Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin n’a été ni chahuté ni encensé par les auditeurs de RTL qui l’interrogeaient, en direct, ce mercredi à midi. Il était notamment sollicité à propos des violences constatées lors de certaines manifestations contre la réforme des retraites et sur les événements violents qui se sont déroulés samedi à Sainte-Solinedans les Deux-Sèvres.
Le ministère de l’Intérieur a publié mardi les rapports du directeur général de la gendarmerie nationale et de la préfète, affirmant que des manifestants, non autorisés, avaient, les premiers, ouvert les hostilités avec les forces de l’ordre déployées en grand nombre pour empêcher l’installation d’une ZAD (Zone à défendre) sur le chantier de méga bassines.
Philippe, chauffeur routier de 46 ans, opposé à la réforme des retraites, a dénoncé au micro de RTL la « part énorme de responsabilité » du gouvernement « étant donné la gestion plus que violente apportée aux manifestations ». « Il y a des vidéos qui tournent, les violences policières sont très très gravesles arrestations arbitraires, c’est innommable tellement c’est petit… Au bout d’un moment, la police doit être réformée », a-t-il déploré. Et de demander à Gérald Darmanin s’il « condamne » lui aussi les violences policières.
Des « démarches individuelles » qui « méritent d’être sanctionnées »
« Monsieur, je ne suis évidemment pas d’accord avec la présentation que vous avez faite : il n’y a pas de violences policières », lui a rétorqué le ministre de l’Intérieur. « Vous mettez en parallèle la violence de ceux qui n’ont pas de légitimité et ceux qui ont la légitimité de l’État, pour protéger la vie et les biens des citoyens ». Bien sûr, « ça peut arriver que le code de déontologie de la police et de la gendarmerie ne soit pas respecté ou qu’il y ait un usage disproportionné de la force ou qu’ils ne respectent pas les ordres, et bien entendu je condamne ces démarches individuelles, elles méritent d’être sanctionnées », a aussi dit le ministre.
« Ces policiers et gendarmes sont des pères et mères de famille, qui ne sont pas payés très cher, qui tous les jours nous protègent », a fait encore valoir l’ancien maire de Tourcoing (Nord). Parfois « on les encense », mais la plupart du temps, « ils s’en prennent plein la tronche ». Et d’affirmer que « 900 policiers ont été blessés depuis sept jours » en France. « Certains ne pourront plus marcher, poursuit-il. Je suis étonné qu’on ne soit pas capables de reconnaître que ces ouvriers de la sécurité, il faut les protéger et heureusement qu’ils sont là ».
Frédéric, boucher dans le Nord, lui a ensuite demandé si l’exécutif laissait « les casseurs agir pour décrédibiliser le mouvement », envoyant, dans cette idée, « des effectifs pas ou peu formés » sur le terrain. Non, répond Gérald Darmanin : « Je ne peux pas vous laisser dire qu’on laisse casser. Et on n’envoie pas, sauf exception, des policiers et gendarmes qui ne sont pas formés au maintien de l’ordre ».
Mais agir contre les casseurs n’est pas simple, veut expliquer le ministre. D’abord parce qu’ils s’installent souvent au sein de cortèges de manifestants qui ne sont pas des casseurs. Ensuite, parce que les moyens légaux ou juridiques manquent, a-t-il détaillé. Alors que les casseurs « sont en grande partie connus des services de police » – sur le millier venu à Sainte-Soline, « 200 étaient suivis par les renseignements », a-t-il aussi précisé.
Sainte-Soline, « pas une manifestation gentille dans les champs »
Le ministre de l’Intérieur a expliqué qu’une loi proposée par son prédécesseur, le Marcheur Christophe Castaner, « inspiré par Bruno Retailleau », chef du groupe LR au Sénat, pendant la mobilisation des Gilets jaunes, « prévoyait d’interdire aux gens soupçonnés d’être des casseurs d’aller aux manifestations ». « Cette loi a été censurée par le Conseil constitutionnel », a-t-il assuré.
La Ligue des Droits de l’Homme, qui avait envoyé des observateurs à Sainte-Soline ce week-end, a affirmé que les secours avaient été empêchés d’intervenir par les forces de l’ordre, alors qu’un manifestant blessé se trouvait dans un état très grave. Le Samu a nié avoir été empêché de faire son travail, une plainte pour « tentative de meurtre » a été déposée par la famille de Serge, 32 anset une enquête a été ouverte.
« Je veux évidemment avoir une pensée pour tous ceux qui ont été blessés et singulièrement cette personne », a assuré d’abord Gérald Darmanin. Le ministre rappelle ensuite que la manifestation était « interdite depuis le 17 mars ». « Ce n’est pas une manifestation gentille dans les champs », a-t-il relevé, accusant la présence « d’un millier de manifestants extrêmement violents » d’être la « raison » des « drames ».
Du fait « du secret médical et du secret de l’enquête », on ne sait pas encore, a-t-il plaidé, « ce qui est arrivé à ce monsieur qui est entre la vie et la mort », Mais, selon lui, « les secours sont arrivés dès qu’ils ont pu. Le Samu des Deux-Sèvres a eu la gentillesse de publier un communiqué pour dire qu’ils n’ont jamais été empêchés d’intervenir sur ce site ».
Le temps d’intervention se justifie notamment parce qu’il fallait d’abord « géolocaliser ces personnes » qui appelaient au secours – « c’est pas facile, c’est dans des champs » -, et « vous devez sécuriser les secours ». « Ce n’était tellement pas sécurisé que le médecin du GIGN a dû intervenir, et même lui a été victime de projectiles », a aussi affirmé le ministre. Et de conclure que « les enquêtes diront la vérité avec un peu de recul ».