Nicolas Sarkozy a été entendu ce mardi, mercredi et jeudi par un juge d’instruction dans l’enquête liée à l’intermédiaire Ziad Takieddine, avançant puis retirant ses accusations de financement libyen de la campagne présidentielle de 2007. Ce vendredi, l’ex-président a été doublement mis en examen pour recel de subornation de témoin et participation à une association de malfaiteurs en vue de commettre l’infraction d’escroquerie au jugement en bande organisée. Cette décision ouvre la voie à un possible nouveau procès pour la figure de proue de la droite française.
Elle a été prise au terme d’une trentaine d’heures d’interrogatoire au total sur trois jours et demi, mené par deux magistrats financiers chargés de cette information judiciaire ouverte en mai 2021 sur cette opération, appelée « Sauver Sarkozy » par l’un des mis en cause. Il est suspecté d’avoir donné son aval ou laissé faire plusieurs protagonistes qui auraient tenté d’escroquer la justice pour le disculper dans le dossier libyen, qui sera lui jugé début 2025.
L’ex-chef de l’État a toujours réfuté toute participation aux faits incriminés. Après sa mise en examen, « Nicolas Sarkozy est fermement décidé à faire valoir ses droits, établir la vérité et défendre son honneur », ont réagi ses avocats, Mes Jean-Michel Darrois et Christophe Ingrain, dans un communiqué.
Par cette mise en examen, les juges estiment disposer de suffisamment d’indices graves ou concordants quant à sa participation aux manœuvres élaborées par au moins neuf autres protagonistes impliqués à des degrés et moments divers, possiblement en leur donnant son aval. Parmi les mis en cause, la reine des paparazzis Mimi Marchandl’intermédiaire Noël Dubusdéjà condamné pour escroquerie, le puissant chef d’entreprise David Layani, etc. Les poursuites contre le financier Pierre Reynaud, mort en mai, sont éteintes.
Une affaire en trois actes
L’affaire, qui fait l’objet d’une information judiciaire ouverte depuis 2021, porte sur trois épisodes. La première étape de l’opération aurait d’abord consisté à obtenir la rétractation des accusations contre Nicolas Sarkozy du sulfureux intermédiaire franco-libanais Ziad Takieddine, fin 2020 en échange d’une possible rémunération. Ce revirement avait donné lieu à une retentissante interview sur BFMTV et Paris Matchpoint de départ de l’enquête.
Puis, au premier semestre 2021, certains des mis en cause auraient tenté d’obtenir une preuve que le retentissant document libyen publié dans l’entre-deux-tours de la présidentielle 2012 par Mediapart et évoquant un financement à hauteur de 50 millions d’euros était un faux. Ou encore à obtenir la libération d’un fils Kadhafi, détenu au Liban, dans l’espoir que la famille du défunt dictateur libyen facilite la mise hors de cause de Nicolas Sarkozy.
Pour les enquêteurs, selon un chiffrage récemment établi, au moins 608 000 euros auraient pu être utilisés pour l’ensemble de l’opération, dont les protagonistes contestent la teneur frauduleuse.
Quelques « coïncidences »
Entendu en juin par les enquêteurs de l’Oclciff, spécialisés dans les affaires financières, l’ex-président a certes dit avoir été informé par Mimi Marchand en octobre 2020, soit un mois avant que l’information ne soit publique, d’un souhait de Ziad Takieddine de changer de version. Mais selon ses auditions dévoilées par Libération et consultées par l’AFP, Nicolas Sarkozy a assuré que « l’idée même que je puisse pousser directement ou indirectement au financement des pieds nickelés est une idée folle ». « Aucun élément concret matériel, de téléphonie, ne peut (l)’incriminer dans cette folie, ni de près, de ni de loin », a garanti l’ancien chef de l’État.
Longuement interrogé sur son agenda et sa téléphonie de la fin 2020 et du début 2021, qui suggèrent des rendez-vous ou conversations à des moments clés avec des protagonistes du dossier, Nicolas Sarkozy a évoqué quelques « coïncidences » mais nié tout contact significatif. Pour lui, « toute cette petite bande n’a que pour seule préoccupation de se faire mousser les uns par rapport aux autres » en prétendant être en contact avec lui.
Cette décision des magistrats vient alourdir l’agenda judiciaire déjà chargé de Nicolas Sarkozy, qui sera samedi matin dans son fief de Neuilly-sur-Seine pour la promotion de son dernier livre « Le temps des combats ». Outre le procès du financement libyen, prévu début 2025, il sera jugé en novembre en appel dans le dossier Bygmalion. L’affaire dit « Bismuth » pourrait, elle, faire l’objet d’un nouveau procès, pour raisons procédurales.