Deux semaines après la victoire sur le fil du « oui » au référendum sur l’UE, les Moldaves se sont déplacés nombreux dimanche pour choisir leur président et confirmer ou non leur destin européen, dans un scrutin entaché d’accusations d’ingérences russes.
La présidente pro-européenne sortante de Moldavie Maia Sandu est passée en tête du second tour de l’élection présidentielle, selon des résultats preque complets publiés dimanche soir par la Commission électorale. La candidate de 52 ans a recueilli 54 % des voix et remercié ses partisans réunis au siège de son parti.
Quelques instants après la publication de ces chiffres, la présidente sortante a revendiqué la victoire dans cette élection. Un succès rapidement salué sur X par Emmanuel Macron, qui s’est réjoui du « triomphe » de la démocratie face à « toutes les interférences ».
Plus tôt dans la journée, après le dépouillement de près de 90 % des bulletins, c’est son rival qui était annoncé en tête il y a quelques heures. Les analystes avaient prédit ces résultats serrés, avec des soupçons d’interférence de Moscou malgré les démentis du Kremlin. Le scrutin est suivi de près de Bruxelles à Washington, où l’on s’inquiète de la tentative russe de perturber le processus électoral.
Provocations, « transports organisés » et cyberattaques
Tout au long de la journée, les autorités ont fait état « de provocations et de tentatives de déstabilisation ». La police a dit enquêter sur la mise en place présumée par la Russie de « transports organisés » vers la Biélorussie, l’Azerbaïdjan et la Turquie pour permettre aux électeurs résidant sur son sol d’aller voter dans les consulats ou ambassades moldaves de ces pays. Des cyberattaques et de fausses alertes à la bombe ont également visé les opérations de vote à l’étranger, selon la même source.
Maia Sandu est arrivée largement en tête le 20 octobre, à l’occasion du premier tour, avec 42,5 % des voix mais son rival de 57 ans, qui en a recueilli près de 26 %, pouvait compter sur le soutien de plusieurs petits candidats.
Le taux de participation était dimanche nettement plus élevé qu’au premier tour, avec de longues files d’attente en plusieurs endroits et un nombre record de votants dans la diaspora.
Dans l’entre-deux tours, le camp présidentiel a intensifié sa campagne sur les réseaux sociaux et dans les villages pour tenter de contrer les achats de vote massifs qui ont, d’après Chisinau, faussé les résultats du référendum, plus disputé que prévu (50,35 % pour le « oui »).
Se mobiliser « contre les escrocs »
Après avoir glissé son bulletin dans l’urne, Maia Sandu a appelé à se mobiliser « contre les escrocs », plaçant sa « confiance » dans ses concitoyens « qui ont toujours fait avancer le pays et l’ont protégé du mal ».
En face, Alexandr Stoianoglo, discours lisse où les mots russes se mêlent souvent à la langue officielle roumaine, a promis d’être « le président de tous », niant « avoir des relations avec le Kremlin » et toute implication « dans des fraudes électorales ». Venu voter avec sa femme et ses deux filles, il a défendu « une Moldavie qui ne demande pas l’aumône mais développe des relations harmonieuses avec à la fois l’Est et l’Ouest ».
La diaspora penche pour l’UE contrairement aux zones rurales
Ce pays pauvre, sous perfusion européenne, est extrêmement polarisé, entre d’un côté une diaspora et une capitale majoritairement favorables à une intégration dans l’UE, et de l’autre les zones rurales et deux régions, la province séparatiste de Transnistrie et la Gagaouzie autonome, tournées vers la Russie.
Natalia Grajdeanu, organisatrice de mariages de 45 ans, a fait le voyage d’Irlande où elle vit. « Nous sommes un petit pays avec un grand cœur et nous voulons que l’Europe soit notre maison », a-t-elle dit à l’AFP, dans la capitale Chisinau.
La crainte « d’être entraînés dans la guerre »
Mais d’autres, comme Grigore Gritcan, retraité originaire de Transdniestrie, sont réticents. Il plaide pour « plus de liberté et une vraie paix », alors qu’actuellement « les gens n’ont rien à manger et pas de travail ». « Beaucoup craignent d’être entraînés dans la guerre », explique Andrei Curararu, du groupe de réflexion WatchDog. Ils vont donc préférer « un candidat en bons termes avec Moscou, y voyant la garantie de ne pas être attaqués ».
La Moldavie « paie au prix fort » sa décision de couper les ponts avec Moscou, souligne l’expert de WatchDog. « La pression est sans précédent et l’argent déboursé pour mener ces activités de déstabilisation colossale », dit-il, évoquant un investissement total de plus de cent millions de dollars. Avec un objectif : faire revenir le pays « dans l’orbite de la Russie ».