Cette aventure aura été sa dernière. Ce jeudi 27 juillet, Rémi Lucidi jette son dévolu sur l’une des tours Tregunter, 24e gratte-ciel le plus haut de Hongkong. Deux cent vingt mètres de haut, 68 étages. Une formalité pour le militaire français de 30 ans, photographe et amateur de sports extrêmes. Passionné des hauteurs folles, il chassait depuis ses 22 ans les plus hauts sommets des villes du monde, sans corde ni protection, pour s’immortaliser au sommet.
Bulgarie, Ukraine, Pologne Dubaï… Sur son compte Instagram, le natif de Montpellier présente ses exploits à ses 6 500 followeurs. Le photographe urbain traque les buildings mais aussi les grues, ponts, pylônes et même des antennes radioélectriques. L’objectif ? « Grimper le plus haut, faire la photo la plus belle, la plus audacieuse et inspirer les gens à dépasser leurs limites », explique Yordan, son camarade d’escalade.
Au bout de sa perche à selfie, il se photographie suspendu en haut d’une échelle à des centaines de mètres du sol, le paysage loin derrière lui. Les hashtags #urbanclimber #urbanninja #aroundtheroofs accompagnent souvent ses publications. Sous la dernière, postée le 24 juillet depuis Hongkong, s’accumulent depuis trois jours des messages d’adieu. « Rest in peace » « On ne t’oubliera pas » « Fly hight ». Amis ou pas, ils sont nombreux de la communauté de l’urbex (combinaison des mots « urbain » et « explorer ») à lui rendre hommage, et cherchent à comprendre les circonstances de sa mort, révélée ce samedi par le South China Morning Post.
Avant de chuter, il avait appelé à l’aide à travers la vitre
Quelques instants avant la chute mortelle, il aurait été vu par une femme de ménage en train de frapper aux fenêtres du complexe de la tour Tregunter. Il est 19h38 et, alarmée par ses actions, elle appelle rapidement la police. Mais il est trop tard. Le cascadeur perd pied, dégringole, et décède sur le coup.
« Je ne sais pas ce qui s’est passé là-bas, confie Max, un ami ukrainien de Rémi, dont la cause officielle de la mort n’a pas encore été révélée. Mais je suis sûr que c’est un malheureux accident. Il n’était pas stupide et il ne ferait certainement pas quelque chose qui pourrait le tuer ». Ensemble, en Bulgarie, ils ont gravi les 80 étages d’une grue de plus de 200 m. Max parle d’un homme « prudent, et toujours en bonne forme physique ». Pour Tsvetelin Pachev, un autre de ses amis, Rémi était « très terre à terre et humble ».
Selon la police, le cascadeur aurait été piégé à l’extérieur de la tour Tregunter, d’où l’appel à l’aide à travers la vitre. Un agent de sécurité du bâtiment aurait tenté de l’arrêter sur son chemin, alors qu’il affirmait aller rendre visite à un ami au 40e étage. Mais guidé par son défi, le grimpeur a réussi à monter plus haut. Des caméras de sécurité l’ont filmé au 49e étage, montant les escaliers en direction de la trappe d’accès au toit, retrouvée ouverte, la serrure forcée, par les enquêteurs. Sa GoPro, récupérée sur les lieux de l’accident, contenait des images d’autres cascadeset ascensions.
Chasseur d’influence ou aventurier urbain en quête de liberté ? Selon les adeptes de la discipline, il y aurait deux catégories de grimpeur. Rémi était de ceux qui « ne cherchent pas tant le talent, plutôt l’adrénaline et l’expérience » d’après Mudakagavno, un adepte de l’urbex suivi par 84 000 personnes sur Instagram. « Risk it for the shot » (prend le risque pour la photo) est écrit dans sa biographie. « Je risque juste ma vie pour le plaisir et pour pouvoir raconter des histoires à mes futurs enfants. Je ne veux pas mourir sans avoir fait tout ce que j’aimais. Beaucoup de grimpeurs pensent de la même manière », affirme-t-il. « Rémi en fait partie, j’en suis sûr. »