Plus d’une semaine après le début des émeutesla situation reste tendue en Nouvelle-Calédonie. L’aéroport de Nouméa – capitale de ce territoire d’Outre-mer – va rester fermé jusqu’au samedi 25 mai minimum quand l’armée va être déployée « pour un temps » afin de « protéger les bâtiments publics ». Une centaine de touristes ont déjà pu regagner leurs territoires « grâce à des vols affrétés par leurs autorités ». Le Parisien fait le point sur la situation.
Le « retour au calme se poursuit »…
« Le retour au calme se poursuit sur l’ensemble du territoire » calédonien, a écrit le représentant de l’État sur place, Louis Le Franc, dans un communiqué publié ce mardi matin. Il a toutefois annoncé l’envoi d’effectifs supplémentaires « dans les heures à venir » pour juguler les violences qui secouent l’archipel, en réaction à une réforme constitutionnelle décriée par les indépendantistes.
« 1 050 renforts de la Gendarmerie nationale, de la Police nationale et de la sécurité civile sont déjà à l’œuvre et seront complétés par près de 600 effectifs supplémentaires dans les heures à venir », indique le communiqué.
Selon le Haut-Commissariat, 22 personnes ont été interpellées ce mardi. Ce qui porte à 184 le nombre de personnes interpellées depuis une semaine, a précisé à la mi-journée la police nationale sur X. Des « renforts permanents » ont été installés « dans les quartiers de Dumbéa, de Païta et de Mont-Dore » et des « opérations de sécurisation (sont) en cours dans les quartiers de Vallée-du-Tir, Tuband, Ducos et Normandie », ajoute le Haut-Commissariat.
…mais une nuit toujours agitée
Malgré le déploiement massif de forces de sécurité intérieure, qui dépassent les 2 700 effectifs désormais en Nouvelle-Calédonie, la situation reste « précaire », de l’aveu même des autorités.
La nuit a encore été agitée, a constaté l’AFP. Ce mardi matin, sur la route menant à l’aéroport international, l’entrepôt d’une entreprise de fournitures de bureau était en feu, dégageant une épaisse fumée noire. Deux carcasses de voitures empilées forment un barrage à 200 m de là, de jeunes hommes encagoulés filtrant le passage des voitures.
À Dumbéa, importante ville de l’agglomération, c’est le centre culturel qui a été saccagé. « Les jeunes voulaient tout brûler, on a réussi à les en empêcher », assure à l’AFP un militant du centre. La plupart des barrages sont « filtrants » et laissent passer certains véhicules, comme les pompiers ou ambulances, soutient la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT)collectif indépendantiste accusé par l’État d’attiser les violences mais qui affirme rester « dans une démarche pacifique ».
À l’issue du troisième Conseil de défense organisé en moins d’une semaine, l’Élysée n’a en revanche pas évoqué la question de la prolongation possible de l’état d’urgence, en place depuis mercredi. Alors que le spectre d’une pénurie de nourriture et de médicament plane sur l’agglomération de Nouméa, Louis Le Franc a assuré que 21 grandes surfaces ont rouvert « et sont progressivement réapprovisionnées ».
Les mesures exceptionnelles de l’état d’urgence sont maintenues, à savoir le couvre-feu nocturne, l’interdiction des rassemblements, du transport d’armes et de la vente d’alcool et l’interdiction de l’application TikTok – cette dernière sera contestée par des défenseurs des libertés devant le Conseil d’État ce mardi à Paris. La chambre de commerce et d’industrie a appelé à « préserver le peu qu’il reste » de l’économie calédonienne, évoquant des « conséquences » économiques et sociales « déjà catastrophiques ».
Depuis le début, des émeutes, « le bilan des personnes décédées s’élève à 6 morts dont 2 gendarmes ». « Au total, près de 270 émeutiers ont été interpellés », poursuit le Haut-Commissariat dans son point de situation.
Déploiement de l’armée
En parallèle, l’Élysée a annoncé lundi soir la mobilisation « pour un temps » de militaires afin de « protéger les bâtiments publics » de l’archipel du Pacifique Sud et de soulager policiers et gendarmes.
Le président de la République « a demandé au gouvernement de continuer à faire preuve de concentration, de vigilance et d’engagement » sur le dossier, a ajouté la présidence.
Les premiers touristes évacués
Signe de la difficulté pour les forces de l’ordre à reprendre en main la situation sécuritaire, l’aéroport international de l’archipel français a annoncé qu’il resterait fermé aux vols commerciaux jusqu’à ce samedi au moins. L’Australie et la Nouvelle-Zélande, qui essaient depuis plusieurs jours de rapatrier leurs centaines de ressortissants bloqués, ont annoncé ce mardi matin l’envoi de plusieurs vols pour les évacuer.
« Grâce à une coopération entre les autorités françaises, néozélandaises et australiennes, une centaine de touristes (personnes les plus vulnérables » regagneront l’Australie et la Nouvelle-Zélande par des vols affrétés par leurs autorités au départ de Nouméa », a précisé à la mi-journée le Haut-Commissariat.
Le ministre néo-zélandais des Affaires étrangères, Winston Peters, avait indiqué que son gouvernement avait affrété un vol en direction de Nouméa. L’avion, parti ce mardi en fin de matinée, devait rapatrier cinquante Néo-Zélandais.
Deux autres appareils devaient partir d’Australie dans la journée pour évacuer « des touristes australiens et d’autres », a ajouté son homologue australienne Penny Wong.
La France a pour sa part mis en place des mesures pour les touristes. « Les personnes concernées sont invitées à renvoyer le formulaire suivant accompagné d’un justificatif de billets d’avion aller et retour ainsi que de la copie de leur passeport français à l’adresse mail suivante : tourisme-assistance@nouvelle-caledonie.gouv.fr », écrit le Haut-Commissariat dans un communiqué.
Quel avenir pour le texte ?
Les principales figures non-indépendantistes de l’archipel, réunies en conférence de presse à Nouméa, ont toutefois appelé à poursuivre l’examen de la réforme constitutionnelle contestée, qui doit être adoptée avant fin juin. Son retrait serait « une erreur gravissime » qui donnerait « raison aux casseurs, aux pilleurs et aux émeutiers », a asséné le député de Nouvelle-Calédonie, Nicolas Metzdorf.
VIDÉO. Quel est le rôle de l’Azerbaïdjan dans les émeutes en Nouvelle-Calédonie ?
Alors que la crise menace de s’enkyster, les appels se sont multipliés, de la gauche à l’extrême droite en passant par la majorité et jusqu’à la maire loyaliste de Nouméa, pour réclamer un report de cette réforme. S’il est adopté, le texte aurait pour conséquence de marginaliser les voix de la communauté autochtone kanak, dénoncent les indépendantistes.
Invité sur TF1 ce mardi, le président divers gauche de la Collectivité Territoriale de Guyane appelle à un « geste fort du président de la République ». « Nous considérons que la situation est devenue tellement grave et compliquée », a-t-il justifié.
« Je considère que l’idée n’est pas de s’opposer au président de la République, mais de dire que cette république doit pouvoir s’appuyer sur le principe de l’écoute partagée. Cela doit être le fondement d’une nouvelle capacité à dialoguer. »