« On a été entendu. » La mère du petit Timéo, mort en 2015 à l’âge de 4 ans après une surdose médicamenteuse, a salué ce vendredi la décision du tribunal correctionnel de Nancy. Deux femmes médecins coupables de négligence ont été condamnées à de la prison avec sursis et l’hôpital de Nancy à une lourde amende. L’infirmière initialement mise en cause a en revanche été relaxée. Un an avec sursis avait été requis contre les trois soignantes, poursuivies pour homicide involontaire.
Au printemps 2015, le petit garçon avait été admis au CHRU de Nancy pour des douleurs aux jambes, après avoir chuté d’une moto sur laquelle son père le transportait. Peinant à établir un diagnostic clair après trois semaines de soins en unité infantile, sous la supervision d’une jeune interne, l’équipe médicale avait décidé de lui donner de la colchicine, un anti-inflammatoire. Mais une erreur de prescription (0,5 mg par jour qui deviendront 0,5 mg par kg) aboutira à l’administration, deux jours consécutifs, de 16 fois la posologie requise pour un si jeune patient, ce qui a entraîné sa mort.
La cardiologue pédiatrique ayant prescrit la colchicine, la cheffe de clinique adjointe débordée n’ayant pas suffisamment encadré l’interne en médecine chargée du jeune patient, et l’infirmière ayant administré de manière négligente la prescription erronée étaient poursuivies.
« Un petit pas »
« Ce qu’on aurait souhaité, c’est qu’un procédé avec des vérifications soit mis en place aujourd’hui dans cet hôpital. On ne sait pas si depuis les faits il y a eu des améliorations dans la prise en charge et prescription de médicaments dans ce service pédiatrique », a souligné la mère de Timéo, Élodie Gaire. « Il y a un gros manque de sécurité dans cet hôpital, on se demande comment ils font pour être classés parmi les meilleurs CHR. » « Notre crainte était que la mort de notre fils soit étouffée, que personne ne soit désigné coupable et ce n’est pas le cas, c’est déjà un petit pas », a ajouté le père, Julien Thuret.
La cardiologue a été déclarée coupable de la mort de Timéo et condamnée à un an de prison avec sursis. Le tribunal a considéré qu’elle était une « médecin d’expérience, compétente », qui a « laissé l’interne se débrouiller toute seule » alors que « c’est elle la spécialiste, elle connaît le médicament et savait qu’il n’existait pas de version pédiatrique de celui-ci », a motivé le tribunal.
Décision « révoltante » pour l’avocat de la cardiologue
Une « décision révoltante » pour son avocat Me Frédéric Berna, qui a d’ores et déjà prévu d’interjeter appel : « Jamais je n’accepterai une condamnation dans ce dossier ! », a-t-il insisté. La médecin qui était au moment des faits assistante cheffe de clinique a été condamnée à six mois d’emprisonnement avec sursis pour son « défaut d’encadrement d’un interne en médecine ». « Il y a des négligences graves dans la supervision », a considéré le tribunal.
Enfin, reconnu « coupable des fautes commises par les praticiens agissant pour son compte », le CHRU de Nancy a été condamné à une amende de 225 000 euros, plus de quatre fois supérieure à celle des réquisitions. L’hôpital avait déjà été condamné pour des faits similaires en janvier 2011. Il aura l’obligation d’afficher, sur un format A3, et pendant deux mois la condamnation sur la porte d’entrée de l’établissement ainsi que sur la porte du service pédiatrique.
La jeune interne pas poursuivie
S’agissant de l’infirmière relaxée, le tribunal a considéré qu’elle « ne pouvait savoir que ce médicament était dangereux », d’autant qu’ « il n’y avait aucune alerte sur le logiciel de pharmacie » et qu’elle « n’était pas l’auteure de la deuxième injection ». « C’est l’application stricte du droit, aucune faute ne pouvait lui être reprochée », a réagi son avocate, Me Virginie Barbosa, à l’issue de l’audience.
La jeune interne chargée du petit garçon avait obtenu le statut de témoin assisté au cours de l’instruction et n’était pas poursuivie.