Trois familles de migrants morts en 2021 en tentant de traverser la Manche ont déposé une demande d’indemnisation auprès des autorités françaises, dont elles dénoncent « l’inaction fautive » dans ce naufrage, a appris l’AFP mardi auprès de leurs avocats et des associations les soutenant.
Ces familles sont originaires d’Irak, d’Iran et d’Éthiopie, a fait savoir à l’AFP l’association d’aide aux exilés Utopia 56, également partie à cette « demande indemnitaire préalable », plus d’un an après le naufrage d’une embarcation qui a fait au moins 27 morts – essentiellement des Kurdes irakiens – le 24 novembre 2021 entre la France et le Royaume-Uni, le pire drame migratoire jamais enregistré dans la Manche.
La demande a été déposée lundi par les trois familles, Utopia 56 et la Ligue des droits de l’homme (LDH) auprès de Matignon, du ministère de l’Intérieur, du secrétariat d’État chargé de la mer, de la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord (Premar), ainsi que du Cross, le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage, pour « obtenir l’indemnisation des préjudices moraux », expliquent les associations.
Les sauveteurs « contactés 14 fois sans qu’aucun sauvetage ne soit déclenché »
Les requérants reprochent à ces acteurs leur « inaction fautive » et les « manquements de l’État à ses obligations en matière de moyens humains et matériels affectés au sauvetage des personnes qui traversent la Manche ». La demande d’indemnisation est une « action complémentaire » de la procédure pénale, qui pourrait « aider à la manifestation de la vérité dans le cadre de l’enquête », estime Me Emmanuel Daoud, qui défend les familles et les associations.
Les premiers éléments de l’enquête ouverte à Paris et confiée à la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) « révèle (nt) que des opérateurs du Cross ont été contactés au moins à 14 reprises par l’embarcation sans qu’aucune opération de sauvetage ne soit déclenchée », insiste Utopia 56.
« L’objectif, ce n’est pas de gagner de l’argent. Les frères, les neveux, les femmes perdus par ces familles ne reviendront pas. Il s’agit plutôt de tirer les conséquences des carences fautives des autorités » en matière de secours et de « mettre l’État français et les différents ministères devant leurs responsabilités », a ajouté leur avocat.
« Si à un quelconque moment il y a eu un manquement, une erreur, les sanctions seront prises », avait assuré en novembre 2022, un an après le naufrage, le secrétaire d’État Hervé Berville. S’ils n’obtiennent pas l’indemnisation, dont le montant n’a pas été communiqué, les requérants prévoient de saisir la justice administrative. En 2021, 52 000 migrants ont tenté de rejoindre la Grande-Bretagne en traversant la Manche, avait annoncé le ministère de l’Intérieur.