Ils sont accusés d’avoir torturé un adolescent de 16 ans. La cour d’assises d’Aix-en-Provence a condamné vendredi à des peines allant de cinq à 25 ans de prison quatre jeunes d’une cité marseillaise pour d’atroces sévices infligés à ce garçon qui avait voulu vendre quelques grammes de drogue sans l’aval du réseau.
En fugue d’un foyer de Chartres (Eure-et-Loir), la victime avait été surprise en août 2019 à dealer quelques grammes de cocaïne et de cannabis sans l’autorisation des gérants du réseau de la cité Félix-Pyat, située non loin du centre de Marseille (Bouches-du-Rhône).
L’adolescent avait alors été livré à un groupe d’une quinzaine de personnes qui l’avaient battu avant de le conduire dans un local désaffecté où, une nuit durant, il allait être séquestré et frappé. Au cœur de la nuit, deux hommes, décrits comme ivres, l’avaient torturé en lui brûlant le corps une quarantaine de fois avec une cigarette et au chalumeau sur les parties génitales.
« Une vie qui s’est arrêtée »
Âgé de seulement 16 ans au moment des faits, l’adolescent est apparu tétanisé devant la cour d’assises durant le procès, sans parvenir à assister aux débats, en dehors de sa déposition au cours de laquelle il avait évoqué « une vie qui s’est arrêtée ».
Alors qu’il a toujours contesté les faits, la cour d’assises a reconnu El Kabir M’Saidie Ali, 24 ans, coupable de séquestration accompagnée d’actes de torture et de barbarie et l’a condamné à 25 ans de réclusion criminelle, conformément aux réquisitions du parquet.
Ses avocats avaient réclamé son acquittement, évoquant la faiblesse des preuves retenues contre lui. Un témoin entendu sous X l’avait désigné, ajoutant que les deux tortionnaires avaient « agi par plaisir, pour s’amuser ». Durant l’enquête, El Kabir M’Saidie Ali avait affiché une grande froideur à l’égard du calvaire enduré par l’adolescent. Alors qu’un enquêteur lui montrait la photo des atroces blessures de la victime, il la retournait : « Y a des trucs plus graves dans la vie, c’est pas mon souci ».
« Solidarité au réseau »
Pour son avocate Me Tiphaine Rémy, « il s’est construit une carapace dans ce quartier, le plus paupérisé de France, où les violences sont quotidiennes et, pour lui, ne pas s’intéresser aux autres relève de l’instinct de survie ».
Également condamné pour séquestration avec tortures et actes de barbarie, Abou Bacari Madi, 23 ans, s’est vu infliger cinq ans de prison. Alors qu’il avait toujours affirmé ne pas avoir été sur les lieux, il a reconnu lors du procès être « passé à l’extérieur du local » le lendemain du calvaire de la victime. Réclamant lui aussi son acquittement, Karim Ahamada, 30 ans, a été condamné à six ans de prison pour enlèvement. Il avait été le tout premier à être identifié par la victime comme ayant pris part aux premières violences.
Condamné à cinq ans de prison pour enlèvement, Hichem Mchangama, 22 ans, était le seul des quatre accusés à avoir rapidement reconnu sa participation aux premières violences. S’excusant, le jeune accusé n’a pas pu expliquer pourquoi il avait porté ces coups, à la demande d’un ami membre du réseau. « Dans la cité, a expliqué son avocat, Me Karim Bouguessa, à un moment ou à un autre, on est obligé de témoigner sa solidarité au réseau quand bien même on n’en fait pas partie. »
En novembre 2022, un cinquième accusé, âgé de 17 ans au moment des faits, avait été condamné à dix ans de prison par la cour d’assises des mineurs. Il était accusé d’avoir frappé la victime et de lui avoir fait sniffer de la cocaïne.