Le dernier avis sur la page Internet de son restaurant, qui date de juin 2021, peut désormais faire froid dans le dos. « Les pizzas sont tops ! Les serveurs aussi quoiqu’un peu nerveux quand le patron rôde dans la salle, sinon top ! Je recommande, ambiance Italienne garantie et le patron aussi, il a une sacrée poigne, grande carrière en tant que nettoyeur industriel de concurrence ».
Le patron, c’est Edgardo Greco, aujourd’hui âgé de 63 ans, qui se fait appeler « Paolo Dimitrio », un membre présumé de plus grande mafia italienne, la Ndrangheta. Il a été interpellé ce jeudi à Saint-Étienne (Loire) après 16 ans de cavale, a annoncé Interpol.
Que lui reproche-t-on ?
Edgardo Greco, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en 2006 en Italie pour des homicides, s’est installé en France la même année, selon le parquet général. Selon les carabiniers italiens, Edgardo Greco a fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen du parquet de Catanzaro (Calabre, sud de l’Italie) depuis 2014, après sa condamnation à perpétuité pour deux meurtres commis en janvier 1991 et une tentative de meurtre en juillet 1991.
Le fugitif, qualifié de « dangereux » par Interpol, s’était échappé lors d’une garde à vue. Il faisait partie à l’époque du clan Perna-Pranno, qui était le plus important dans la ville de Cosenza, où il vivait. « Il est considéré co-responsable de l’embuscade du 5 janvier 1991 qui a coûté la vie aux frères Stefano et Giuseppe B. qui voulaient une plus grande autonomie et considération dans le milieu des clans de Cosenza », expliquent les carabiniers italiens dans un communiqué.
Les victimes avaient été tuées « à coups de barres de fer dans un entrepôt de poissons (…) et leurs cadavres ont disparu et n’ont jamais été retrouvés », selon la même source. Ils auraient été déterrés et détruits dans de l’acide. D’autres nombreux faits pourraient être attribués à Edgardo Greco, comme des vols de banques et de fourgons de transferts de fonds, selon Le Monde. Il aurait alors, dans les années 1980, hérité du surnom de « tueur des prisons » pour une tentative d’attaque au couteau lors d’une balade dans une cour de prison.
Comment a-t-il été interpellé ?
L’interpellation a eu lieu jeudi vers 1h40 du matin, dans une rue de Saint-Étienne. Le Monde précise qu’il a été arrêté par la police judiciaire locale, les enquêteurs de l’Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO) et des carabiniers venus spécialement de Cosenza, dans le sud de l’Italie.
Ce sexagénaire a été arrêté par la police française grâce aux informations des carabiniers italiens partagées entre les deux pays partenaires grâce au projet I-Can (Coopération Interpol contre la Ndrangheta).
L’homme aurait remis les enquêteurs sur ses traces à la suite d’une énorme erreur. En effet, en juillet 2021, un article du Progrès lui est consacré à l’occasion de l’ouverture de son établissement. Il pose tout sourire sur la photo, et utilise un faux nom, celui d’un délinquant fugitif originaire des Pouilles…
Edgardo Greco a été présenté jeudi après-midi à un magistrat du parquet général de Lyon qui lui a officiellement notifié le mandat d’arrêt émis par les autorités italiennes. Il a exprimé son refus d’être remis à la justice italienne et a été placé en détention, selon le parquet général.
Que faisait-il à Saint-Étienne ?
Edgardo Greco était devenu le propriétaire et gérant de Caffé Rossini Ristorante, de juin à novembre 2021, d’après la même source. Se définissant comme stéphanois de cœur depuis 14 ans, celui qui se fait surnommer Rocco, veut alors « créer une cuisine italienne élaborée, uniquement avec du frais et du fait maison ». Une cuisine qu’il tiendrait de sa grand-mère calabraise, dit-il.
Selon la procureure adjointe au parquet général de Catanzaro, interrogée par nos confrères du Monde, « il avait déjà travaillé dans le domaine de la restauration dans sa jeunesse. Reprendre la cuisine en France a pu être une façon pour lui de retrouver une situation de « pseudo-normalité » (…) il n’était plus impliqué dans des activités criminelles ». Selon des témoignages et documents consultés par l’AFP, il avait été salarié dans plusieurs restaurants italiens de Saint-Étienne.