La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a reconnu ce mardi que Raphaël Halet est un lanceur d’alerte. Elle a par ailleurs condamné le Luxembourg à lui verser des dommages et intérêts. Ce Français avait été condamné au Luxembourg pour avoir fait fuiter des documents dans le cadre du scandale d’évasion fiscale « Luxleaks ».
La Cour avait débouté Raphaël Halet en 2021 en première instance. Dans un arrêt de la Grande Chambre, elle a estimé que l’intérêt public attaché à la divulgation de ces informations l’emporte sur l’ensemble des effets dommageables résultant de celle-ci.
La CEDH a conclu qu’il y a eu violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la convention européenne des droits de l’homme. Elle demande au Luxembourg de verser à Raphaël Halet 15 000 euros au titre du préjudice moral et 40 000 euros pour frais. Poursuivi au Luxembourg pour avoir divulgué des documents fiscaux de clients de son employeur, Raphaël Halet avait été condamné en 2014 à 1000 euros d’amende en appel.
« C’est la fin de 11 ans de lutte contre l’évasion fiscale »
Ce Français, qui était employé par le cabinet de conseil PricewaterhouseCoopers (PwC), avait communiqué fin 2012 à un journaliste seize documents utilisés dans un reportage de l’émission française « Cash Investigation » diffusée en 2013 sur France 2. Il entendait dénoncer les « rescrits fiscaux », pratique qui permettait à de nombreuses multinationales de bénéficier de conditions très avantageuses accordées par le fisc luxembourgeois.
Avant lui, un autre informateur, également employé de PwC, avait copié 45 000 pages de documents confidentiels en 2010, remis au journaliste. À la suite d’une plainte de PwC, le premier informateur et le journaliste avaient été jugés puis acquittés par la justice luxembourgeoise. Raphaël Halet, lui, avait été condamné à 1000 euros d’amende. En mai 2021, la CEDH, saisie par Raphaël Halet, avait donné raison aux juges du Grand-Duché, estimant qu’ils avaient ménagé « un juste équilibre » entre les droits de PwC et la liberté d’expression du requérant. Raphaël Halet, qui entendait être pleinement reconnu comme lanceur d’alerte, avait demandé et obtenu le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre de la CEDH, formation suprême de la Cour.
« La victoire d’aujourd’hui c’est la preuve qu’il ne faut jamais abandonner. C’est la fin de 11 ans de combat judiciaire et pas seulement judiciaire d’ailleurs, de lutte contre l’évasion fiscale », a réagi Raphaël Halet après l’annonce de cette décision. Venu en famille entendre la décision de la Cour, il a estimé que celle-ci peut marquer une « étape » pour d’autres lanceurs d’alerte. « C’est peut-être une étape pour eux pour la suite. C’est surtout dans cet esprit-là que j’ai fait toute cette démarche pendant 11 ans. » Il s’est réjoui qu’il y ait « un tribunal, une cour de justice qui (puisse) reconnaitre qu’un lanceur d’alerte peut être de bonne foi, qu’un citoyen peut avoir raison de se battre contre un paradis fiscal ou une multinationale, parce qu’aujourd’hui c’est quand même un pays qui a été mis en déroute, un paradis fiscal au sein de l’Union européenne ».