Affaire classée. Quatre ans après les révélations sur le groupe Facebook la « Ligue du LOL »l’enquête sur des soupçons de cyberharcèlement a été classée sans suite, a indiqué une source proche du dossier. Cette décision, prise pour « infraction insuffisamment caractérisée », remonte à février 2022, confirme le parquet de Paris. Ce dossier qui avait suscité un scandale dans la profession début 2019, mais aussi des licenciements puis au moins deux décisions des prud’hommes au bénéfice des mis en cause.
L’affaire remonte à fin 2019. Après une enquête du site Checknews de Libération, de nombreux internautes avaient accusé plusieurs membres de ce groupe, essentiellement des journalistes et des communicants, et d’autres personnes extérieures, de les avoir harcelés sur Internet dans les années 2010, ou d’avoir par leurs critiques publiques lancé des « meutes » numériques contre eux, entraînant le licenciement de certains des fauteurs de troubles.
Face au tollé provoqué par l’affaire, certains des mis en cause avaient rapidement publié des excuses, qu’ils avaient jugé précipitées ou exagérées après coup. Rapidement, SOS Racisme avait saisi la justice, imité quelques semaines plus tard par l’association Prenons la une, qui milite pour l’égalité femmes-hommes dans les rédactions.
Une audition en 2021
Le parquet de Paris avait ouvert une enquête en mars 2019, confiée à la Brigade de répression de la délinquance de proximité (BRDP). Selon une source proche du dossier, l’affaire a abouti à l’audition par la police à l’été 2021, sous le statut de suspect libre, d’un mis en cause, visé par une double plainte pour des tweets de la fin des années 2010. L’intéressé, membre du groupe litigieux « pendant à peine trois mois en 2010 », n’a pas souhaité commenter.
Deux autres potentiels mis en cause ont été identifiés au cours de l’enquête mais les faits les concernant étaient prescrits, a précisé la source proche du dossier. D’autres personnes s’estimant victimes de ce cyberharcèlement avaient renoncé à des plaintes par peur de représailles en ligne, avait indiqué une source proche du dossier.
Ces accusations avaient entraîné le licenciement de certaines personnes accusées de harcèlement. Depuis, Libération et Les Inrocks ont été condamnés par le conseil de prud’hommes de Paris pour le licenciement de deux de leurs journalistes. Le quotidien a fait appel.
« Cet événement dévastateur a ruiné des dizaines de vie »
Alexandre Hervaud, un autre journaliste de Libération écarté, avait lui été débouté aux prud’hommes. Il a fait appel. « Cette information n’est pas une surprise et montre bien qu’après une longue enquête de trois ans, le récit médiatique d’un groupe harceleur ne tenait pas », a réagi l’intéressé. « Cet événement dévastateur a ruiné des dizaines de vie avec licenciements, tentatives de suicide et dépression. Ces personnes en souffrent encore aujourd’hui », selon lui.
« C’était supposément le #MeToo du journalisme, et aujourd’hui personne ou presque ne souhaite en parler », a affirmé un autre mis en cause, préférant garder l’anonymat. « On a mis tout le monde dans le même sac dans cette affaire qui ne reposait pas sur grand chose », selon lui.
Au-delà du cas précis, l’affaire avait provoqué un important débat sur le sexisme dans le milieu journalistique. Des affaires de harcèlement ou de sexisme avaient éclaté à franceinfo, Vice, Télérama, au Monde ou au Huffington Post. Marlène Schiappa, alors secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, avait évoqué la possibilité d’étudier l’allongement des délais de prescription en la matière, tandis que Mounir Mahjoubi, à l’époque secrétaire d’État au numérique, avait évoqué une « histoire de losers, des mecs qui se gargarisaient de pouvoir se moquer d’autres personnes ».