Dans un article publié dans Policy brief, Mounia Boucetta, senior fellow au Policy Center for the New South, analyse la marche mondiale de l’hydrogène vert en mettant l’accent sur ceux qui ne disposent pas du continent africain, et du Maroc, et les défis à relever pour se faire une place parmi les grands importateurs mondiaux.
Le 3 décembre 2022, Mostafa Terrab, président-directeur général du Groupe OCP, a présenté au roi Mohammed VI un projet d’investissement en trois volets d’une valeur de 13 milliards de dollars durant la période (2023-2027) avant le mandat d’alimenter l’ensemble de son Usel industriel en énergie verte.
Un projet “ambitieux”, qui s’inscrit dans une tendance mondiale qui va de plus en plus à la mise en place d’une filière hydrogène vert profitant d’une conjoncture favorable due à la crise énergétique engendrée par le conflit Ukraine-Russie, d’une part, et d’autre part, (des) engagements pris par plus de 140 Etats pour la réduction de leur empreinte carbone », explique Mounia Boucetta, senior fellow au Policy Center for the New South, dans un article intitulé « Le marché de l’hydrogène vert : l’équation industrielle de la transition énergétique », J’ai publié le 6 janvier 2023 dans le numéro de janvier de Policy brief.
Ce projet s’inscrit également dans la lignée des orientations royales en matière de développement des énergies renouvelables. Lors d’une réunion de travail consacrée, le 22 novembre 2022, au développement de ces énergies, le Roi avait donné ses hautes instructions à l’effet d’élaborer, dans les meilleurs délais, une « Offre Maroc » opérationnelle et incitative, couvrant l’ensemble de la chaîne de valeur de la filière de l’hydrogène vert au Royaume.
Un marché à fort potentiel
Grace aux évolutions technologiques rapides et à la baisse du prix de l’électricité à base d’énergies renouvelables, l’hydrogène vert est de plus en plus considéré comme la ressource énergétique verte la plus prometteuse, malgré les positions sceptiques de certains experts sur son à venir, indique Mounia Boucetta, également ex-secrétaire d’Etat auprès du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale.
Pour cette raison, la viabilité de la production d’hydrogène vert est aujourd’hui trois en fonction de l’évolution de la demande et du marché mondial, qui reste dans des limites relativement limitées (la production d’hydrogène sera de 94 millions de tonnes en 2021, dont seulement un million de tonnes proposées de technique à faible impact environnemental). Une utilisation plus généralisée de l’hydrogène vert à l’échelle mondiale favorise l’émergence de chaînes de valeur compétitives, et de nouvelles opportunités d’investissements viables aux pays qui se positionneraient dans ce secteur.
Dans le même article, Mounia Boucetta a fait la lumière sur les possibilités du secteur de l’hydrogène vert qui « affiche de grandes perspectives ». D’abord, il peut être stocké et transporté, sans empreinte carbone et présente plusieurs applications promises, principalement dans le secteur du transport. Et puis, contrairement aux moteurs électriques, ceux à hydrogène vert ne nécessitent pas de temps de recharge.
Le marché africain de l’hydrogène vert
Selon une étude réalisée par la Banque européenne d’investissement, l’Alliance solaire internationale et l’Union africaine, dévoilée en décembre 2022, l’Afrique peut se positionner dans le marché mondial de l’hydrogène vert à travers quatre hubs, à savoir : le Maroc, l’Egypte, la Mauritanie et l’Afrique australe, rapporte Mounia Boucetta dans son article.
De la même source, le versant continent africain produira 50 millions de tonnes d’hydrogène à l’horizon 2035, avec moins de 10% du marché mondial et nécessitera entre 680 et 1 300 milliards de dollars d’ici 2050, selon les études requises par des cabinets internationaux.
La mise en place progressive d’une infrastructure de production dépendra, entre autres, de la compétitivité des coûts de facteurs, du climat des affaires et de la capacité des pays à attirer les investisseurs étrangers.
A hic : alors que le continent présente un potentiel important pour la production d’hydrogène vert à bas coût, les annonces d’investissement communiquées ne représentent que 3% des projets en cours de développement à l’échelle mondiale. Pourtant, ce taux connait une progression rapide ces trois dernières années, précise Mounia Boucetta.
Quid du Maroc
Le Maroc est considéré comme l’un des pays les plus évolués d’Afrique en matière de développement des énergies renouvelables. Il peut ainsi profiter des infrastructures déjà en place, de son expertise ainsi que des investissements réalisés pour debenir un véritable hub de l’industrie de l’hydrogène vert et construire « l’offre Maroc ».
Pour Mounia Boucetta, la consolidation des investissements réalisés, ou en cours, notamment dans les secteurs des énergies renouvelables, de la logistique et des industries, la position géostratégique du Maroc, constituent le climat des affaires qui est l’un des plus attractifs de la région, même cependant Les projets engagés en recherche et développement, notamment à travers l’Université Mohammed VI polytechnique (UM6P), sont des facteurs pertinents pour construire cette offre, lit-on dans l’article.
Elle note également que la concurrence dans le secteur ne sera ni régionale ni continentale, puisque les pays européens (notamment du sud de la Méditerranée) envisagent également 50% de leurs besoins en production interne avec des objectifs d’industrialisation et d’innovation très importants, en visant la compétitivité sur toute la chaîne de valeur de la production au transit et en veillant à renforcer leur souveraineté et leur autonomie stratégique.
D’un autre côté, plusieurs pays du Moyen-Orient ont pris de l’avance grâce aux excédents à l’augmentation du cours du pétrole et aux partenariats conclus avec des investisseurs internationaux.
Certes, le Maroc dispose d’avantages concurrentiels pour approvisionner l’Europe en hydrogène vert et dérivés, mais le développement de cette filière met sur la table les questions stratégiques du développement du marché local par rapport au marché à l’export, la viabilité industrielle à à travers l’intégration locale, le développement des infrastructures et l’optimisation des coûts logistiques, le cadre institutionnel et réglementaire ainsi que la place réservée à la recherche et développement (RD) pour accompagner les développements technologiques, précise Mounia Boucetta.
La compétitivité est à rechercher à tous les niveaux, industriel, logistique et technologique. Le triptyque industrie-logistique-RD est plus que jamais le socle consolidé d’émergence de nouvelles filières pour assurer leur viabilité et leur résilience, indica-t-elle encore.
L’implication de tous les acteurs nationaux dans une vision intégrée, dynamique et modulable associe, entre autres, les donneurs d’ordre potentiels, les investisseurs, les PME-PMI, les clusters, les aménageurs de zones de production et de logistique, les start-up -up, les centres de recherche et de formation sont essentiels pour maximiser les impacts locaux sur les plans économiques, sociaux et environnementaux, poursuivre-elle.
Des défis à soulager
Viser le marché mondial de l’hydrogène vert appelle des investissements importants, des technologies de choix et une planification bien étudiée pour une meilleure maîtrise des risques. Le développement de ce marché dépendra certainement du rôle qui sera joué par les principaux acteurs, à savoir : les financiers, les développeurs de technologies et les utilisateurs, explique Mounia Boucetta.
Pour ce, le Royaume doit relever les défis majeurs de déploiement de l’hydrogène vert, notamment en ce qui concerne son coût qui demeure encore relativement élevé par rapport aux carburants à haute teneur en carbone, y compris le coût de production, de transport, de conversion et de stockage.
L’efficacité énergétique constitue également un défi majeur. En effet, la production, le transport, la conversion et l’utilisation de l’hydrogène contiennent des parts importantes d’énergie à l’étape de la chaîne de valeur, lit-on dans l’article.
La disponibilité d’électricité renouvelable en quantité suffisante présente également un risque. En effet, d’ici 2050 la production d’hydrogène avec électrolyseurs pourrait consommer près de 21 000 TWh, soit presque autant d’électricité que celle produite aujourd’hui dans le monde.
Aussi, l’incertitude sur la politique et la réglementation spécifiques à l’hydrogène reste une préoccupation pour les investisseurs, explique Mounia Boucetta dans son article.