Adepte du jeûne et du crudivorisme, Thierry Casasnovas, « thérapeute » sans diplôme médical allait jusqu’à prôner un régime cru, à base de fruits et légumes, pour guérir le cancer ou l’autisme. Il recommandait même à ses 600 000 abonnés sur YouTube, parfois des malades graves, d’arrêter leurs traitements prescrits par leurs médecins. La chimiothérapie ? « De la mort-aux-rats ! » disait-il aux patients vulnérables qui le suivaient. Un membre amputé ? Un jus de légumes peut le faire « repousser ».
Selon nos informations, ce pseudo-naturopathe de 48 ans est en garde à vue depuis mardi 7 mars dans le cadre d’une information judiciaire ouverte à Perpignan, depuis l’été 2020 pour « exercice illégal de la profession de médecin », « abus de faiblesse » et « pratiques commerciales trompeuses ». Une garde à vue confirmée par Jean-David Cavaillé, le procureur de la République de Perpignan. Son domicile, situé à Maureillas-las-Illas, avait été perquisitionné en février 2022 par les gendarmes de la section de recherches de Montpellier et de l’office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp).
Depuis 2011, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a recensé plus de 600 signalements contre lui. « C’est la personne qui fait l’objet du plus grand nombre de saisines avec notamment plus de 50 en 2021 », nous dit la Miviludes. Certaines se sont même transformées en plaintes. Des organismes de défense des personnes victimes de sectes (Unadfi et Adfi) et l’ordre national des médecins ont également saisi la justice.
Montages financiers suspects
Il y a douze ans, Thierry Casasnovas, cheveux longs et petit bouc, s’est fait connaître dans des vidéos, où il défendait le manger cru et l’abstinence pour « régénérer » et « détoxifier » son organisme. Son discours antivaccin durant la pandémie inquiétait aussi les autorités. Il n’hésitait pas à affirmer que lui « ministre de la Santé », le coronavirus « serait réglé rapido : bain froid et jeûne pour tout le monde, un petit jus de carottes et vas-y que je t’envoie », affirmait-il face caméra.
Thierry Casasnovas organisait aussi des stages et commercialisait des extracteurs de jus à des tarifs élevés ainsi que des compléments alimentaires. Les investigations ont aussi permis de révéler d’importants bénéfices avec des montages financiers suspects : blanchiment, pratique commerciale trompeuse, abus de confiance et abus de bien social. Le montant des infractions est évalué à plus 2,7 millions d’euros ! À la mi-juin 2021, il avait annoncé dans une ultime vidéo qu’il arrêtait sa chaîne YouTube et se retirait « de la vie publique ». Avant de revenir sur la scène des réseaux sociaux près d’un an plus tard.
Une « armée de fanatiques »
En 2019, l’une de ses victimes avait accepté de se confier. Depuis deux ans, Dominique, ancienne professeur de dessin de 62 ans à l’époque, s’était mise à suivre les recommandations de Thierry Casasnovas. Elle ne mangeait plus que des noix, des avocats, des bananes et du chou chinois. Peut-être se disait-elle, ce changement alimentaire lui permettrait-il de soigner sa bipolarité.
Au début, elle perd du poids, renoue avec le sport, se sent belle. Mais au fil du temps, ses cheveux blonds commencent à tomber. Ses dents, déjà abîmées, lui font mal. Alors, elle cherche du soutien dans les groupes Facebook. « À chaque fois, on me disait, c’est normal, c’est la détox. Pour tes dents, mets de l’huile de coco, elles repousseront. » Mais ses questions embarrassantes lui valent d’être exclue des groupes.
« Une armée de fanatiques me culpabilisait, en disant : C’est ta faute ! Pourquoi tant de prosélytisme ? C’est comme une secte. » Après 17 kg perdus en un an et demi, Dominique, sous-alimentée, stoppe tout. Avec du recul, elle réfléchit à porter plainte pour abus de faiblesse. Et regrette de s’être laissée convaincre. « Mais vous savez, quand vous êtes mal, vous n’êtes plus en état de choisir. »