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Le procès de l’ancien président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz s’est ouvert mercredi avec l’image dramatique de l’ancien chef de l’Etat dans une boîte en forme de cage répondant aux accusations d’avoir amassé une fortune personnelle illicite au cours de ses 11 années au pouvoir.
Aziz, 66 ans ancien générala comparu devant le tribunal de la capitale Nouakchott aux côtés de neuf autres accusés, dont d’anciens premiers ministres, ministres et hommes d’affaires, a constaté un journaliste de l’AFP.
Ils affrontent des charges notamment l’abus de pouvoir, le trafic d’influence, le blanchiment d’argent et l’enrichissement illicite.
L’audience a débuté par un appel nominal des prévenus vers lequel Aziz, vêtu d’un boubou traditionnel, un masque chirurgical cachant une partie de sa fine moustache, s’est levé et a levé la main.
Des centaines de policiers montaient la garde à l’extérieur alors qu’une centaine d’avocats remplissaient la salle d’audience, où les caméras et les téléphones portables étaient interdits.
Dehors, des dizaines de personnes se sont rassemblées avant le procès, certaines pour soutenir Aziz, d’autres avec des pancartes exigeant qu’il restitue l’argent prétendument volé.
Les poursuites contre d’anciens chefs d’État sont rares dans le monde, mais surtout en Afrique.
“C’est une première dans l’histoire de la Mauritanie et peut-être même dans le monde arabe qu’un ancien président explique son enrichissement”, a déclaré à l’AFP Brahim Ebetty, l’un des nombreux avocats représentant l’Etat.
Le déni
Aziz, le fils d’un commerçant arrivé au pouvoir lors d’un coup d’État sans effusion de sang, a démissionné en 2019 après deux mandats au cours desquels il a désamorcé une insurrection djihadiste qui a balayé d’autres pays dans le Sahel.
Il était succédé par son ancien bras droit, Mohamed Ould Ghazouani, dans la première passation de pouvoir pacifique entre dirigeants élus de l’histoire d’un pays marqué par des coups d’État et des soulèvements militaires.
Mais quelques mois après la passation, des allégations ont émergé inconduite financière.
Aziz est soupçonné d’avoir détourné de l’argent de contrats publics ou de la vente de biens immobiliers, amassant une fortune équivalente à plus de 72 millions de dollars.
“Tous les gens dans la boîte ont utilisé le nom de l’État, la fonction de l’État (pour s’enrichir) – en particulier M. Aziz”, a déclaré Ebetty.
L’ancien président a nié les allégations mais a refusé de répondre aux questions des enquêteurs sur les sources de sa richesse.
Il se décrit comme la victime d’un règlement de compte et soutient qu’il bénéficie de l’immunité de poursuites en vertu de la Constitution.
“Il rejette complètement les accusations portées contre lui”, a déclaré l’un de ses avocats, Taleb Khayar Ould Med Mouloud, avant le procès.
“Beaucoup de gens ont des raisons de le haïr, y compris les Frères musulmans, qu’il a chassés du pays”, a-t-il dit, faisant référence au fraternité musulmane mouvement islamiste.
‘Mon frère, mon ami’
Ghazouani, également ancien général, a joué un rôle clé dans la stratégie anti-djihadiste réussie d’Aziz et, jusqu’en décembre 2019, a décrit son ancien patron comme “mon frère, mon ami”.
L’année suivante, cependant, la fortune d’Aziz a commencé à faiblir – bien que Ghazouani ait nié toute implication dans l’affaire.
Une enquête parlementaire a été ouverte sur des transactions financières sous sa présidence, explorant les revenus pétroliers, les ventes d’actifs de l’État, la liquidation d’une entreprise publique en charge de l’approvisionnement alimentaire et les activités d’une société de pêche chinoise.
Les poursuites contre l’ancien président sont sans précédent en Mauritanie, un vaste État désertique conservateur qui a obtenu son indépendance de la France en 1960.
Les Mauritaniens interrogés par l’AFP ont déclaré qu’ils espéraient que ce procès établirait une nouvelle référence dans la lutte du pays contre la corruption.
La Mauritanie est classée 140e sur 180 dans l’indice de perception de la corruption pour 2021 par l’organisation Transparency International.
‘Fatigué’
La fille d’Aziz, Asma, a déclaré à l’AFP que l’ancien président était “fatigué”, son cardiologue l’ayant contactée mardi soir car son père s’était effondré après avoir été placé en garde à vue.
Un autre de ses avocats, Antoine Vey, s’est alarmé de l’arrestation “arbitraire” de son client et des conditions qui, selon lui, suggéraient qu’Aziz ne bénéficierait pas d’un procès équitable.
“L’affaire s’est construite sur un travail qui ressemble à du révisionnisme politique”, a-t-il déclaré à l’AFP.
Il envisageait de demander le report du procès et s’apprêtait à saisir les instances onusiennes si la demande était rejetée.
Aucune des parties interrogées n’a pu dire combien de temps durerait le procès.
(AFP)