À 53 ans, le vainqueur de la présidentielle en Argentine n’a pas fini de provoquer des remous. Polémiste antisystème et d’extrême droite, Javier Miley l’emporte avec 55,95 % des voix, selon des résultats partiels officiels, à l’issue du second tour de ce dimanche 19 novembre. Son rival, le ministre de l’Économie Sergio Massa, a reconnu sa défaite, concédant que Milei serait « le président que la majorité des Argentins a élu pour les quatre prochaines années ». Et voilà ce pays venant de célébrer les quarante ans du retour de la démocratie qui saute dans l’inconnu. Tant l’homme détonne par ses idées et son style.
Cet économiste de formation, à l’injure facile et à la coupe en bataille, l’emporte au terme d’une campagne mouvementée qui a électrisé le pays. À l’image de cette scène, survenue vendredi dernier. Javier Milei assiste à un ballet au théâtre Colón, à Buenos Aires. Quand il est reconnu par le public, des ovations montent du parterre, puis des sifflets. Dans la fosse, les musiciens de l’orchestre entonnent la marche péroniste, en soutien à l’autre finaliste, le ministre sortant de l’Économie Sergio Massa, représentant de la coalition de centre gauche au pouvoir. Le président péroniste sortant Alberto Fernandez, impopulaire, ne se représentait pas.
Un « anarcho-capitaliste » à l’ascension fulgurante
Javier Milei a su capter les voix des Argentins en colère, usés par des années d’errance économique, dans un pays frappé par une inflation de 140 % par an. Milei a fait campagne en fustigeant la « caste des politiciens, ces voleurs corrompus ». Quand il prendra ses fonctions, le 10 décembre officiellement, il promet de supprimer la banque centrale et de remplacer le peso par le dollar pour éviter, dit-il, que les classes dirigeantes ne manipulent la monnaie pour financer leurs clientèles électorales. Il entend mener des coupes brutales dans la dépense publique (à l’image de la tronçonneuse qu’il a souvent brandie pendant la campagne) et fermer plusieurs ministères (tourisme, droit des femmes, etc.).
Admirateur des courants libertariens, il se définit comme « anarcho-capitaliste » et a choisi comme slogan de campagne : « Viva la Libertad, carajo » (vive la liberté, m…). Chez lui, il a donné à ses cinq chiens — issus du clonage aux États-Unis de son chien adoré « Conan » — des noms d’économistes libéraux. L’un d’entre eux s’appelle par exemple Milton (Friedman). Son ascension en politique a été fulgurante. « Elle repose sur l’articulation d’un discours contre l’État et d’un discours dégagiste contre les élites », résume le chercheur Gabriel Vommaro, professeur de sociologie politique à l’Université nationale San Martin.
Adepte de l’occultisme, en rupture avec ses parents (« mes géniteurs ») mais fusionnel avec sa sœur, ce quinquagénaire sans enfant est un admirateur de Reagan, de De Gaulle, de Churchill et de Thatcher, malgré son rôle dans la guerre des Malouines. S’il est libéral économiquement, le populiste Milei est, en revanche, ultra-conservateur sur le plan sociétal. Opposé à l’avortement, pro-armes, climatosceptique, ce « Trump de la Pampa » est souvent comparé à l’ex-président brésilien Jair Bolsonaro.
Sorties au vitriol et extravagances exaltées
Éduqué dans la foi catholique, le nouveau président s’est ensuite orienté vers le judaïsme. Récemment, il s’en est pris à plusieurs reprises au pape (argentin) François : « Âne, ignorant, néfaste », « fils de p… de gauche », « étron… ». Il lui reproche de promouvoir une idéologie redistributive reposant sur l’envie et le ressentiment. Sa vice-présidente, Victoria Villarruel, ne cache pas, quant à elle, son soutien à l’ancienne dictature militaire, qui a sévi de 1976 à 1983.
En matière diplomatique, le nouveau président vante l’alignement sur les États-Unis et sur Israël. À l’inverse, il veut couper les liens avec les pays « communistes », « la Russie », « la Chine » et « le Brésil », dont il déteste le président Lula ( « un corrompu »). Son programme radical se heurte toutefois à deux écueils : Javier Milei ne dispose pas de majorité au Parlement. Il devra donc composer avec d’autres forces, dont celles de l’ex-chef de l’État Mauricio Macri, avec lequel il s’est allié dans la dernière ligne droite.
Enfin, ses sorties au vitriol et ses extravagances exaltées ont alimenté d’intenses débats dans la société argentine sur la santé mentale du nouvel homme fort du pays. Un sujet qui n’a pas fini de susciter maintes controverses.