Après bientôt cinq mois de guerre, une accalmie pourrait se profiler au Moyen-Orient. Le président américain Joe Biden a affirmé lundi qu’Israël était prêt à cesser ses opérations militaires à Gaza pendant le ramadanpour permettre la libération de tous les otages qui se trouvent encore aux mains du Hamas. En coulisses, les négociations lancées depuis plusieurs semaines se poursuivent sous la houlette des États-Unis donc, mais aussi de l’Égypte et du Qatar, alors que l’offensive israélienne lancée en représailles de l’attaque meurtrière du 7 octobre approche les 30 000 morts dans l’enclave palestinienne, selon le ministère de la Santé du groupe islamiste (dont nous ne pouvons confirmer le bilan).
Mais les deux camps, qui ont jusqu’alors refusé tout compromis, semblent encore réticents à mettre en place un accord. Si les espoirs sont permis, l’état actuel des négociations laisse malgré tout « sceptique », estime Bertrand Badie, professeur émérite à Sciences-po en relations internationales.
Les espoirs de Washington
Interrogé lundi sur la chaîne de télévision américaine NBC, Joe Biden s’est montré optimiste quant à une possible trêve. « Le ramadan arrive et il y a eu un accord des Israéliens selon lequel ils ne s’engageraient pas dans des opérations durant le ramadan, afin de nous donner le temps de faire sortir tous les otages » toujours sur place, a-t-il affirmé. Selon Israël, 130 otages sont encore retenus par le Hamas à Gaza, dont 31 seraient morts, après la libération de 105 otages et de 240 Palestiniens détenus par l’État hébreu lors d’une précédente trêve d’une semaine fin novembre, la seule pour l’heure depuis le début du conflit.
VIDÉO. Gaza : Biden affirme qu’Israël cesserait ses « opérations » lors du ramadan dans le cadre d’une trêve
Les médiateurs espèrent en effet obtenir une pause dans les combats avant le début du ramadan, le mois de jeûne sacré des musulmans, qui doit commencer cette année le 10 ou 11 mars. « J’ai espoir que d’ici lundi prochainnous aurons un cessez-le-feu », a aussi déclaré lundi Joe Biden, avant de souligner toutefois que « ce n’est pas encore fait ». Un discours avant tout « destiné à rassurer l’opinion publique américaine, qui met la pression sur le président américain comme jamais encore sur un tel dossier », constate Bertrand Badie.
Les négociations s’accélèrent
Les médiateurs semblent en tout cas à pied d’œuvre pour que les négociations aboutissent. Des représentants égyptiens, qataris et américains, ainsi que d’Israël et du Hamas, ont repris dimanche à Doha les pourparlers qui « seront suivis de réunions au Caire », selon une télévision proche du renseignement égyptien, AlQahera News. Ces discussions, selon la chaîne, « assurent le suivi de ce qui a été discuté à Paris », où s’était rendu vendredi le chef du Mossadles services de renseignement extérieurs israéliens, David Barnea.
À l’issue de cette réunion parisienne, un « terrain d’entente » sur les « contours » d’un possible accord portant sur la libération des otages et « un cessez-le-feu temporaire » a été trouvé, a affirmé dimanche le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan.
Les discussions se poursuivent dans la capitale française ce début de semaine, avec l’arrivée ce mardi de l’émir du Qatar, pays qui se trouve au cœur des négociations depuis le début du conflit. Tamim ben Hamad Al-Thani doit dîner ce mardi soir avec Emmanuel Macron à l’Élysée, selon nos informations. D’après l’agence de presse officielle du Qatar, l’émir vient de discuter à Doha avec le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, des efforts « visant à parvenir à un accord de cessez-le-feu immédiat et permanent ». Le chef de la diplomatie du pays, Majed al-Ansari, a d’ailleurs assuré ce mardi que le Qatar allait œuvrer pour une trêve conclue avant le ramadan, espérant « pouvoir annoncer quelque chose aujourd’hui ou demain », mais « sans être nécessairement optimiste ».
Des échanges de prisonniers proposés
Dans le détail, le Hamas aurait reçu une proposition de cessez-le-feu de 40 jours après la réunion de Paris, selon Reutersqui cite une source au fait de l’avancée des négociations. Elle prévoit la libération de 40 d’otages, à savoir des femmes, des enfants et jeunes de moins de 19 ans, des personnes de plus de 50 ans et des malades, en échange de celle de 400 prisonniers palestiniens par Israël. Cette pause dans les combats permettrait aussi le retour progressif de tous les civils déplacés dans le nord de la bande de Gaza, hormis les hommes en âge de faire leur service militaire.
Cette trêve pourrait également permettre l’entrée de 500 camions par jour d’aide humanitairecontre une centaine actuellement selon Amnesty International, et la réhabilitation des hôpitaux et boulangeries dévastés. Selon le quotidien palestinien al-Ayyam, Israël aurait aussi accepté la demande du Hamas de faire entrer des « équipements », dont du matériel pour déblayer les décombres.
Des sources au sein du mouvement palestinien et proche de celui-ci ont confirmé à l’AFP qu’une trêve de 42 jours a été proposée, et que les forces israéliennes pourraient « se retirer des villes et autres zones peuplées » et permettre aux Gazaouis de rentrer chez eux, notamment dans le Nord, à l’exception des hommes de 18 à 50 ans. Elles ont aussi évoqué la libération d’un otage par jour en échange pour chacun de dix prisonniers palestiniens. D’après le New York TimesIsraël aurait notamment accepté de libérer 15 prisonniers palestiniens condamnés pour des faits de « terrorisme grave » en échange de la libération de cinq soldates israéliennes otages à Gaza.
Les deux camps encore loin d’être convaincus
Côté israélien, un responsable a déclaré au site d’information Ynet que « la tendance est positive »sous couvert d’anonymat. Mais de récentes déclarations du Premier ministre Benyamin Netanyahou pourraient doucher les espoirs. Il maintient notamment son projet d’offensive terrestre sur la ville surpeuplée de Rafah, dans le sud de Gaza, où sont réfugiés près d’un million et demi de Palestiniens selon l’ONU.
En dépit des inquiétudes de la communauté internationaleil a assuré que cette opération ciblant le « dernier bastion » du Hamas permettrait une « victoire totale » sur l’organisation en « quelques semaines ». Et une trêve ne ferait que « retarder » cette offensive, a-t-il souligné dimanche, affirmant que les civils pourraient être évacués « au nord de Rafah »hors des zones de guerre, mais sans donner de détails sur ces évacuations.
« Il est difficile de concevoir qu’un accord soit conclu avec le Hamas sur une trêve, tout en maintenant la promesse de lancer une offensive sur Rafah dès que cette trêve serait terminée », souligne Bertrand Badie. Le spécialiste insiste aussi sur la durée envisagée de cette accalmie, qui pourrait laisser le temps aux divisions de Hamas qui seraient recluses à Rafah de « se redéployer », un « risque coûteux » pour Israël.
Quant au Hamas, « on ne voit pas pourquoi il se déposséderait des derniers atouts qui lui restent dans la main en libérant des otages, dans une situation d’offensive annoncée », poursuit le politologue. En dehors de ses demandes répétées d’augmenter le volume d’aide humanitaire entrant à Gaza, la position du mouvement palestinien reste encore floue. Selon l’AFP, citant une source proche de l’organisation, cette dernière souhaiterait pouvoir négocier des prolongements ou des renouvellements de la trêve proposée. Mais d’après Reutersun responsable a jugé que les propos de Joe Biden étaient « prématurés » et qu’il restait encore « d’importantes lacunes à combler » avant de concrétiser de telles perspectives.