Les Américains avaient été prévenus, la diffusion ce vendredi de la vidéo du passage à tabac fatal de Tyre Nicholsperpétré le 7 janvier par des policiers à Memphis, dans le Tennessee, allait les choquer. Mais la violence inouïe des images, filmées par les propres caméras corporelles des policiers et des caméras de surveillance du quartier, a soulevé une énorme vague d’indignation dans tout le pays. La cheffe de la police de Memphis, Cerelyn Davis, a réagi avec une rapidité qui a surpris ici.
Les 5 officiers impliqués, Tadarrius Bean, Demetrius Haley, Emmitt Martin III, Desmond Mills et Justin Smith ont tous été licenciés puis inculpés de meurtre au second degré et de voies de fait graves, entre autres. Ils ont été arrêtés puis relâchés sous caution. Quant à l’unité Scorpion à laquelle ils appartenaient, acronyme en anglais de « opération de lutte contre la criminalité de rue pour rétablir la paix dans nos quartiers », elle sera vraisemblablement dissoute.
VIDÉO. États-Unis : 5 policiers inculpés pour meurtre après l’arrestation mortelle de Tyre Nichols
Dès vendredi soir, de nombreux rassemblements de colère et de protestation ont eu lieu dans le pays. À Memphis, cette ville où, comme se souviennent les Américains, le pasteur Martin Luther King a été assassiné il y aura 55 ans en avril prochain, les manifestants avaient simplement bloqué l’accès d’un pont sur le Mississippi. Le président Biden s’est dit « profondément choqué » par cette « horrible vidéo ». Il a appelé au calme et la famille de Nichols a demandé de son côté des manifestations pacifiques. Leurs appels ont été entendus, pour l’instant en tout cas.
Les faits remontent au soir du 7 janvier dernier lorsque cinq policiers de l’unité anticriminelle Scorpion, arrêtent Nichols, 29 ans, lors d’un banal contrôle de la circulation à Memphis. Nichols est Noir, les policiers aussi. On ne sait toujours pas ce qu’ils reprochent au jeune conducteur, qui rentre de son travail à Fedex. Il est alors 20h21. Les images montrent un des policiers extirper violemment Nichols de son siège en l’insultant alors qu’il proteste simplement « Je n’ai rien fait ».
« J’essaie simplement de rentrer chez moi »
Il est projeté par terre, et se débat sous les coups des policiers qui veulent le maintenir au sol. « OK, je suis par terre, vous voyez bien, fait valoir Nichols calmement, j’essaie simplement de rentrer chez moi »… La vidéo montre alors un des policiers lui envoyer une décharge d’un pistolet Taser dans la jambe. Nichols se lève d’un bond et part en courant vers chez lui, pourchassé par deux policiers vite, rejoints par une autre patrouille. Il est 20h29.
Quatre minutes plus tard, la vidéo montre Nichols au sol encore une fois, à près de 600 m de là où il a été interpellé et à moins de cent mètres de la maison où il habite avec sa mère et son beau-père. Les policiers s’acharnent sur lui pendant plus de deux minutes, à coups de matraque, coups de pied à la tête, jets de poivre dans les yeux. On l’entend crier « Maman » par trois fois, un des moments les plus déchirants de la vidéo…
À 20h37, Nichols est par terre, immobile. Un policier l’assoit contre un véhicule de police mais il est inconscient et glisse de nouveau au sol. Une ambulance arrive… Les deux infirmiers ne sont pas pressés, ils regardent la victime, discutent avec les policiers en fumant une cigarette et ne l’examineront qu’un quart d’heure plus tard… Il sera transporté à l’hôpital Saint Francis à 21h18. Il y décédera trois jours plus tard.
« Hémorragie provoquée par de violents coups »…
« Quand je suis arrivée à l’hôpital avec mon mari et que j’ai vu mon fils, il était déjà mort, a déclaré en pleurant RowVaughn Wells, la mère de Nichols, sur CNN. Ils l’avaient réduit en bouillie, il avait des bleus partout et sa tête était enflée comme une pastèque ». Une autopsie demandée par la famille conclura sans surprise que le décès est dû à une « hémorragie provoquée par de violents coups »…
La mort de Nichols rappelle bien sûr celle de Georges Floydce noir américain tué en mai 2020 à Minneapolis par un policier blanc. Le pays, alors en pleine pandémieavait été embrasé par les manifestations de Les vies des noirs comptentce mouvement contre le racisme et les violences policières qui allait déferler sur une grande partie du monde. Mais comme le disait vendredi Neill Franklin, un policier de Baltimore, « ces violences prévalent dans tout le pays depuis plus de 100 ans. Éradiquer cette culture de la force policière excessive, cela prendra tout autant de temps ».