« Il faut remettre les pendules à l’heure. » Éric Dupond-Moretti a annoncé avec la plus grande fermeté les intentions de l’exécutif face aux milliers d’interpellés qui arrivent dans les tribunaux. Dans une interview accordée au Parisien samedi, le garde des Sceaux évoque des sanctions contre les mineurs, mais aussi leurs parents. Explications.
Comment sanctionner les mineurs ?
C’est l’un des chiffres clés depuis le début des émeutes. Un tiers des personnes interpellées sont mineures. Pour endiguer le problème et sanctionner ces moins de 18 ansl’exécutif brandit la carte de l’interdiction de sorties nocturnes. Dans une circulaire prise vendredi, Éric Dupond-Moretti recommande que des « interdictions de sortir » à partir d’une certaine heure soient prises « lorsque la nature des faits, les circonstances de leur commission et la personnalité des mineurs le justifient ». Cette mesure est permise par le nouveau Code de justice pénale des mineurs voté en 2021, une réforme jugée trop « répressive » par la gauche à l’époque.
L’article L11-3 prévoit notamment « des mesures éducatives » et « si les circonstances et leur personnalité l’exigent, des peines » en cas d’infraction pénale pour les mineurs. Avec ce nouveau Code, il faut toutefois différencier les moins de 13 ans, jugés « non capables de discernement » et qui ne peuvent encourir de peine, des 13 à 18 ans, plus facilement condamnables.
Comment l’exécutif veut responsabiliser les parents ?
« Ce n’est pas l’État qui doit éduquer les enfants, ce sont leurs parents. Des adolescents de 13 ans qui traînent la nuit dans les rues, ce n’est pas normal », a déploré le garde des Sceaux dans nos colonnesaprès l’invitation d’Emmanuel Macron à « responsabiliser les parents ». Le ministre entend faire usage plus sévèrement de l’article 227-17 du Code pénal, qui permet des poursuites contre les parents en cas de défaut d’éducation. Ce texte interdit à tout parent de « se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant ». La peine encourue est de deux ans de prison et 30 000 euros d’amende.
« À Créteil, dès qu’un mineur sera déféré devant un juge pour enfants, un document extrêmement clair sera remis à ses parents pour leur expliquer que l’article 227-17 du Code pénal permet des poursuites contre eux. C’est une façon de les mettre face à leurs obligationsau cas par cas, sans rien systématiser », a détaillé le ministre. Une simple amende ou l’obligation d’effectuer un stage de responsabilité parentale pourraient être plus courantes qu’une condamnation.
Dernière sanction potentielle pour les parents : payer les dommages et intérêts des infractions commises par leurs enfants. « Le père et la mère sont solidairement responsables des dommages, du coût des dégâts causés par leurs enfants mineurs et donc peuvent être condamnés à verser des indemnisations ou des amendes », peut-on notamment lire dans la circulaire de vendredi.
En pratique, qu’est-ce que ça donne ?
Sanctionner les enfants, les parents ou les deux, c’est un serpent de mer qui renaît à chaque évènement de ce type. Mais en pratique, la mise en cause des parents ou les condamnations fermes pour les mineurs sont assez rares. Les peines sont souvent brandies comme des menaces, non mises à exécution. Par exemple en 2020 dans l’Oise, un couple avait passé plusieurs heures en garde à vue pour les sorties répétées de ses adolescents le soir pendant le confinement, sans être condamné.
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Il s’avère, dans les faits, quasi-impossible de démontrer l’existence d’un lien de causalité entre l’infraction pénale commise par le mineur et le défaut d’éducation des parents. Sans compter les situations des familles monoparentales, ou les parents qui travaillent en horaires décalés…
Comment la classe politique réagit ?
À droite, Olivier Marleix, président du groupe LR à l’Assemblée nationale, avait réclamé, dès vendredi, l’engagement de la responsabilité des parents. Les LR veulent désormais aller plus loin en réclamant « la suppression des allocations familiales pour les parents d’enfants délinquants ».
Du côté du Rassemblement national, on critique l’absence de fermeté du gouvernement. « On a un État aux abonnés absents qui attend que papa et maman viennent chercher leur petit garnement et le ramène à la maison. Tout ça est insuffisant », a, par exemple, déploré Julien Odoul, porte-parole du RN sur France 3.
La gauche et notamment la France Insoumise ont surtout ciblé Emmanuel Macron. « J’appelle le président à sa responsabilité ! Comment ose-t-il renvoyer la faute sur les parents ? », lance notamment Aurélie Trouvé, Députée LFI Nupes de la 9e circonscription de Seine-Saint-Denis.