Dès le lendemain du drame, les premiers témoignages faisant état d’une explosion soudaine ainsi que d’une forte odeur de gaz, ne laissaient guère de doute. Et si la confirmation ne viendra qu’au terme d’une enquête minutieuse, la piste numéro un dans l’enquête sur l’effondrement d’un immeuble de quatre étages ayant fait huit morts dans la nuit de samedi à dimanche, à Marseille est bien celle « d’une explosion due au gaz ».
« Les éléments, tous convergents, recueillis à ce stade de l’enquête confortent cette hypothèse », confirme ce mercredi le parquet. Robinet laissé ouvert ? Fuite ? Seules des « opérations d’expertises qui seront nécessairement longues et complexes » le diront. Mais le mécanisme lui, est tristement connu. Déjà à l’origine de nombreux drames, comme celui de la rue de Trévise en janvier 2019 à Parisavec 4 morts et une soixantaine de blessés, ce scénario est souvent impitoyable et dévastateur. Voici pourquoi.
Combustion, surpression, déflagration
Ce qu’on appelle le gaz de ville, c’est en fait un mélange d’hydrocarbures à l’état gazeux : butane, propane, méthane, etc. Ces substances ne sont pas explosives, mais inflammables, au contact de l’oxygène – c’est même pour cette particularité qu’on les utilise via de brûleurs, dans nos cuisinières au gaz par exemple : le gaz sort via l’injecteur, se mélange à l’oxygène contenu dans l’air, et il suffit d’une étincelle ou de craquer une allumette pour obtenir une flamme. Maîtrisée.
Imaginons maintenant que vous laissiez le gaz de votre cuisinière ouvert, sans le brûler, ce qui équivaut à une fuite. Le gaz va venir se mélanger à l’oxygène, et si l’espace est confiné, saturer complètement l’air. Dans ce contexte, la moindre source d’ignition va instantanément créer un front de flammes dans toute la pièce. L’explosion est imminente.
VIDEO. Immeuble effondré à Marseille : les premières images du drame
Cette combustion fait en effet brutalement monter la température du gaz, ce qui entraîne la dilatation de ce dernier, c’est-à-dire l’augmentation de son volume. En effet, chauffer un corps entraîne une agitation thermique des particules qui le compose, qui ont donc besoin soudainement de plus d’espace. Quinze personnes immobiles peuvent tenir debout dans une pièce de 10 m2, mais si elles se mettent à danser, ça ne passe plus. Il faut pousser les murs, et, comme la nature est impitoyable, elle s’en charge.
Plusieurs tonnes de poussée sur les murs
Agissant comme un violent coup de piston comprimant les gaz dans la pièce, la combustion génère donc instantanément une phénoménale surpression aérienne qui s’exerce, dans un espace totalement fermé, sur chaque centimètre carré des murs d’une pièce. On parle d’une force de poussée de plusieurs tonnes et ces derniers sont donc littéralement soufflés vers l’extérieur : c’est la déflagration, avec des vitesses de flamme allant jusqu’à 100 mètres par seconde à cet instant.
Ce souffle anéantit donc les structures qui portent le reste de l’édificeentraînant parfois son effondrement, et peut se propager à l’extérieur, renversant par exemple des voitures et faisant sauter les vitres à des dizaines, voire des centaines de mètres alentour. Redoutable pour les structures, l’explosion au gaz l’est évidemment, à plus fort titre encore, pour l’homme, victime à la fois des effets de surpression, du rayonnement thermique de l’explosion, et des effets de projection.