Il y va « pour gagner ». À moins de 20 jours des législatives anticipéesEmmanuel Macron s’est longuement exprimé mercredi matin lors d’une conférence de presse diffusée en prime time à la télévision. Le président de la République a dévoilé son plan de bataille pour tenter d’arracher une « majorité claire » pour le reste du quinquennat et contrer le Rassemblement national, aux portes du pouvoir.
Il a commencé par prendre la parole une vingtaine de minutes, où il s’est expliqué sur son choix surprise de dissoudre l’Assemblée nationale et a donné ses priorités pour la nouvelle majorité. Montée des extrêmes, avenir des textes discutés à l’Assemblée… Il a ensuite été interrogé sur une grande variété de sujets par des dizaines de journalistes réunis au pavillon Cambon Capucines, à Paris. Voici ce qu’il faut retenir de son intervention.
La dissolution, « la seule décision républicaine »
Emmanuel Macron a commencé par rendre « hommage » aux gouvernements successifs et aux parlementaires, qui ont permis selon lui de voter « des textes utiles au pays ». L’absence de majorité a toutefois rendu l’action « moins lisible, et ne nous a pas permis de bâtir des coalitions durables », a-t-il déploré. « À cela, s’est ajoutée l’attitude de certains députés LFI, qui a créé un désordre parfois constant dans l’Assemblée », a dénoncé le chef de l’État, alors que deux élus Insoumis ont récemment été sanctionnés pour avoir brandi des drapeaux palestiniens dans l’hémicycle.
Prenant acte de ce « blocage », ainsi que de la montée des extrêmes lors des élections européennes, « un fait politique qu’on ne saurait ignorer », le président a estimé que la dissolution de l’Assemblée nationale était « la seule décision républicaine ». « C’est un acte de confiance dans notre peuple, dans notre démocratie, dans notre bon sens national », a-t-il déclaré.
En réponse à la question d’un journaliste, le président a ensuite assumé d’avoir déclenché ce « mouvement de clarification ». Il a également réfuté avoir « donné les clés du pouvoir à l’extrême droite » avec son choix de dissoudre l’Assemblée.
Des « alliances contre nature » aux extrêmes
La campagne qui s’ouvre est un moment de « clarification », « une épreuve de vérité entre ceux qui veulent faire prospérer leur boutique et ceux qui veulent faire prospérer la France », a-t-il poursuivi. Évoquant le ralliement du patron des Républicains Éric Ciotti au Rassemblement national (RN)le chef de l‘État a estimé que « la droite (tournait) le dos à l’héritage du général de Gaulle ». Il a également dénoncé le « pacte avec le diable » du chef de LR.
Il a également dénoncé l’union des formations issue de la « gauche républicaine », avec l’extrême gauche, qui s’est selon lui « rendue coupable d’antisémitisme, de communautarisme, et d’antiparlementarisme ». « S’il y en a qui doit se retourner dans sa tombe, c’est Léon Blum, en pensant qu’on a appelé Front populaire une alliance électorale qui permettra de donner 300 circonscriptions à LFI », a-t-il indiqué, dénonçant une « alliance indécente ».
« Nous avons des alliances contre-natures aux deux extrêmes qui ne sont d’accord sur rien, sinon les postes à partager, et qui ne seront pas en capacité d’appliquer un programme », a-t-il affirmé, brocardant aussi « des bricolages d’appareil ».
Face à la montée des extrêmes, le président a admis sa « responsabilité » de ne pas avoir « apporté une réponse » suffisante aux « inquiétudes ». Mais il a assuré ne pas avoir « l’esprit de défaite ». « Je ne crois pas du tout que le pire puisse advenir », a-t-il déclaré.
Un appel à ceux qui ont su « dire non aux extrêmes »
De l’autre côté, « le bloc central progressiste, démocratique et républicain (…) a appris à travailler ensemble depuis sept ans », a-t-il déclaré. Il constitue « le socle d’un projet de gouvernement cohérent, utile au pays », a également estimé le président de la République. « Nous ne sommes pas parfaits, nous n’avons pas tout bien fait, mais nous avons des résultats », a-t-il aussi estimé.
Le président de la République a ensuite lancé un appel à ceux qui auront su « dire non aux extrêmes ». Il a dit souhaiter « un dialogue exigeant, constructif et ouvert », pour « rassembler, et non rallier, car je sais les désaccords qui existent ». « Des discussions sont possibles », a-t-il également assuré, affirmant qu’il y aura « des compromis à bâtir ».
Un grand débat sur la laïcité
Emmanuel Macron a développé cinq priorités pour la suite du quinquennat. Premièrement, il a défendu la « protection de nos valeurs républicaines, et par cela la protection de nos compatriotes ». Il a notamment souhaité « plus d’autorité républicaine », « plus de sécurité » et de « fermeté ». Le président a également appelé à « rouvrir un grand débat sur la laïcité et prendre des mesures claires sur ce qui reste à trancher ».
Sur le plan de l’économie et de l’écologie, le président a ensuite plaidé pour une amplification de l’action de réindustrialisation, et à la reconnaissance et à l’incitation au travail ». Le programme du futur gouvernement devra acter selon lui des « décisions fortes », comme la construction de huit nouveaux réacteurs nucléaires. Il s’est également fixé pour objectif de « réduire le déficit par l’activité et la création de richesse » et par le « sérieux budgétaire ». « Les deux blocs aux extrêmes, c’est un appauvrissement du pays et de nos compatriotes », a-t-il brocardé.
Interdiction du téléphone « avant onze ans »
Troisième axe développé par le chef de l’État : le progrès et la lutte contre les inégalités de destin. Le président s’est également prononcé pour l’interdiction du téléphone « avant 11 ans » et des réseaux « avant 15 ans ».
Emmanuel Macron a ensuite présenté son projet pour « mieux vivre au quotidien ». Il a notamment fait son « mea culpa » sur « l’accès au logement des jeunes », estimant que « nous n’avons pas assez avancé ». Sur les retraites, il a affirmé qu’elles « seront bien indexées sur l’inflation ». Le président en a profité pour tacler « le projet d’appauvrissement » de ceux qui veulent revenir sur la réforme des retraites. Il a aussi dit souhaiter « supprimer un échelon territorial » et donner le choix aux citoyens de revenir sur les « grandes régions ».
Dernier point, concernant la ligne diplomatique et la place de la France dans le monde, Emmanuel Macron a estimé que le pays devait être une « puissance de paix et d’équilibre » et une « puissance militaire indépendante ». « Les deux blocs aux extrêmes ne permettent pas ce schéma », a-t-il estimé. Le président a notamment accusé le Rassemblement national d’entretenir une « ambiguïté à l’égard de la Russie », fustigeant également « la sortie de l’OTAN » prônée par les lepénistes.
Ces cinq axes sont selon lui « une clarification de l’idéal partagé par les forces de la majorité présidentielle », et constituent un « chemin ambitieux mais crédible », a-t-il conclu.
Pas de démission, ni de débat avec Marine Le Pen
Comme il l’avait fait mardi dans le Figaro magazine, Emmanuel Macron a de nouveau exclu de démissionner à l’issue des élections législatives. « Le président doit donner un cap, une vision mais n’est pas là pour faire campagne », a-t-il également estimé, assurant que c’est le « Premier ministre (Gabriel Attal) qui portera cette campagne ». Il a ainsi assuré ne pas vouloir débattre avec Marine Le Pen avant les législatives.
Le RN n’a « pas de réponse concrète » sur l’insécurité
Interrogé sur le vote de la ruralitéqui s’est massivement porté dimanche sur le RN, le président a assuré qu’il avait « entendu la colère ». « Mais le projet que porte le RN ne répondra pas à l’insécurité », a-t-il ajouté, estimant qu’ « ils n’ont pas de réponse concrète ». Les conséquences du RN, selon lui, ce sont « les marchés (qui) s’affolent, les partenaires européens (qui) s’inquiètent », et un coût de « 100 milliards », soit « 5 000 à 6 000 euros par contribuable ».
La réforme sur la Nouvelle-Calédonie « suspendue »
Interrogé sur le budget et les lois en discussion au Parlement, le président a dit « assumer » la réforme de l’Assurance chômage mais a renvoyé à l’après législatives. « Je pense qu’elle est bonne et qu’il faut continuer sur ce chemin », a estimé le chef de l’État. Il a par ailleurs décidé de « suspendre » la réforme constitutionnelle sur le corps électoral de la Nouvelle-Calédonie, pour donner la priorité au « dialogue sur place » et au « retour à l’ordre ». Emmanuel Macron a ensuite plaidé pour une réforme de l’audiovisuel public. Démentant vouloir un « retour à l’ORTF », il a souhaité un « modèle pluraliste et plus efficace ».