Après deux jours d’une garde à vue entamée mardi, TomT. a été transféré ce jeudi de Niort (Deux-Sèvres) – où il a été entendu par les gendarmes – à Poitiers (Vienne) pour être présenté au juge d’instruction. Il a été mis en examen en fin de soirée par le magistrat instructeur des chefs d’enlèvement et séquestration non suivis d’une libération volontaire. Il a été placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention.
L’audition de Tom T., premier interpellé dans ce dossier judiciaire ouvert pour « arrestation, enlèvement, détention ou séquestration » a déclenché la cascade des deux autres gardes à vue qui ont suivi, avec l’interpellation mercredi du second suspect, puis ce jeudi avec celle d’un troisième.
Tom T. était dans l’œil des enquêteurs depuis le début des investigations. Le domicile qu’il louait à Prahecq (Deux-Sèvres) et où il hébergeait Leslie et Kevin, avait d’ailleurs été placé sous scellés dans les jours suivant la disparition du couple. Il avait dû trouver à loger ailleurs et a de ce fait été interpellé à L’Aiguillon-la-Presqu’île dans le département voisin de Vendée.
Ce suspect est l’une des dernières personnes à avoir vu Leslie et Kevin vivants depuis cette nuit fatidique du 25 au 26 novembre 2022, date à laquelle le jeune couple a brutalement disparu après un dîner chez un ami. Il est aussi celui qui a échangé des textos avec Leslie jusqu’à tard cette nuit-là. Comme nous l’avons révélé, le jeune homme a expliqué aux gendarmes de la section de recherches (SR) de Poitiers qu’il détenait des informations sur la disparition de ses amis. S’il prétend n’avoir joué aucun rôle actif, le jeune homme a assuré que le mobile du crime était lié à un litige autour de la vente de drogue. Surtout, il a orienté les gendarmes vers d’autres suspects potentiels qui ont été arrêtés dans la foulée.
La piste criminelle pourrait croiser aussi la piste sentimentale
Pendant la garde à vue de Tom T., les gendarmes ont mené des perquisitions ainsi que plusieurs auditions. Ils ont également saisi le van du jeune homme qui devrait être exploité par la police scientifique. Installateur de cuisines industrielles au chômage, Tom T. aurait vendu des drogues — cocaïne et kétamine — lors de « teufs » locales. Kevin, le jeune homme disparu, aurait, lui, versé dans un trafic plus ample, couvrant une zone située entre Niort et La Rochelle. Le soir de sa disparition, Kevin devait semble-t-il honorer des « ventes » et devait aussi dormir au domicile de Tom T. C’est dans ce milieu interlope que les enquêteurs resserrent leurs investigations pour établir la vérité sur la nuit fatidique.
La piste criminelle liée au trafic de stupéfiants pourrait cependant croiser aussi la piste sentimentale. Les investigations et plusieurs témoignages permettent d’établir que Tom T. était depuis longtemps épris de Leslie. Cette dernière cependant, en dépit d’une très brève liaison avec lui il y a longtemps, ne nourrissait qu’un sentiment amical pour Tom. Lorsque Leslie est tombée amoureuse de Kevin — quelques semaines à peine avant la disparition du couple — Tom T. en a peut-être nourri une certaine amertume. En effet, c’est Tom T. qui avait présenté Kevin, son ami de longue date, à Kevin.
À Prahecq, l’interpellation de Tom T. a provoqué la sidération. « Ça me turlupine, j’en ai pas dormi de la nuit… Que sont devenus ces gamins ? Ça fait froid dans le dos », confesse une commerçante. Près du domicile du suspect, une ambulancière de 27 ans se souvient de ce jeune qu’elle croisait parfois : « C’est un petit village, tout le monde se dit bonjour. » La jeune femme, profondément bouleversée par la disparition de Leslie et Kevin, avait en décembre déménagé chez son compagnon à Niort, exténuée par le climat étouffant qui régnait autour de cette énigme.
« J’ai du mal à croire qu’il ait pu tout gérer de A à Z »
« Mi-décembre, j’ai été entendue par les gendarmes dans le cadre d’une enquête de voisinage. Tout ça m’a fait peur, j’habite seule et je cours tous les jours, le matin ou le soir. Je ne voulais pas m’arrêter de vivre, mais imaginez que je tombe sur un corps, sur une arme… », explique-t-elle ce jeudi matin. Travail oblige et hasard du calendrier, la jeune femme avait décidé de réintégrer son logement ce jeudi, au moment même où Tom T. devait être présenté au juge d’instruction.
À la tête d’une entreprise installée juste en face du domicile de Tom T., rue de Niort, Guillaume Robin partage ce constat : « On peut toujours être surpris par quelqu’un mais j’ai du mal à croire que (Tom T.) ait pu tout gérer de A à Z, il ne peut être le seul responsable de tout ce qui se passe. » Ce patron et Raphaël, son salarié, apercevaient de temps en temps le suspect. « Il garait son utilitaire juste devant, il écoutait aussi de la musique assez fort, mais on n’a pas le même rythme de vie que lui », soulignent-ils.
Marie-Rose et Guy Roquier, propriétaires de la bâtisse que louait Tom T., ne l’ont rencontré qu’une fois en 2020, « quand il a visité la maison ». Ils n’ont jamais eu maille à partir avec lui. « Il a toujours payé son loyer », disent-ils, abasourdis par les soupçons qui planent sur leur locataire.