Les chiffres sont éloquents. D’ici 2030, trois millions de seniors seront en perte d’autonomie et, déjà, 2,4 millions de plus de 75 ans vivent seuls. Comme ailleurs, la Normandie n’est pas épargnée par cette problématique de l’isolement social. Pour y répondre, une entreprise d’économie sociale et solidaire, Cettefamillefondée dans l’Orne, multiplie les ouvertures de structures. Barre-en-Ouche, qui a ouvert ses portes en novembre 2022, est ainsi la petite dernière d’une liste qui comporte déjà quarante sites allant de Paris au territoire normand avec une présence à Yquebeuf (76), Echauffour (61), Bagnoles-de-l’Orne (61) et bientôt Argentan (61).
« Nous développons des solutions d’hébergements pour seniors en perte d’autonomie physique ou cognitive. Des colocations pour vivre ensemble et partager encore des projets de vie au quotidien en totale liberté, explique Dolores Portier, responsable de région Normandie. Nos colocataires veulent continuer à vieillir, mais à bien vieillir ensemble. La plupart d’entre eux choisissent de venir ici pour rompre l’isolement. »
Bien vieillir ensemble en totale liberté
À La Barre-en-Ouche, six colocataires vivent ainsi paisiblement dans une belle bâtisse en brique située au cœur du village. « Ils sont accompagnés d’une équipe de cinq auxiliaires de vie présentes 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Tous ont signé un contrat de colocation de services partagés et peuvent partir après un préavis d’un mois » indique la directrice. Maryse, 65 ans de Bagnole de l’Orne, Catherine, 80 ans, d’Esteil en Auvergne, Ginette, 89 ans, de Vire (50), Mauricette, 88 ans de Bernay (27), Sylvie, 59 ans de Rouen (76) et le dernier arrivé, Jean-Marie, un septuagénaire de Bazoques (27).
Chaque chambre est meublée a minima et les résidents peuvent amener leurs affaires, venir en couple et même, « après l’accord des autres colocataires », rester avec leur animal de compagnie. « Après avoir vécu 27 ans avec mon mari, je ne pouvais pas rester seule, confie Catherine. Ici, nous sommes libres, Certes, comme nous avons des caractères différents, il faut apprendre à partager le quotidien. Mais, nous sommes contents, choyés. C’est une maison qui demande à être connue ».
Un conseil des locataires pour gérer les frictions
« On se lève à l’heure que l’on souhaite, ajoute Mauricette. Nous avons trouvé un roulement naturel pour le petit-déjeuner et la toilette. Pour le déjeuner, nous définissions les menus ensembles pour un mois. Ce sont les auxiliaires qui font les courses dans le village et nous pouvons mettre la main à la pâte pour les aider. Il n’y a pas d’obligation. » Et, il y a le fameux rituel goûter au milieu d’un après-midi où chacun vaque à ses occupations ou participe à des animations. Sans couvre-feu, le dîner finit souvent devant la télévision.
Pour Jean-Marie, après vingt ans de veuvage, « la colocation m’a permis de vaincre ma timidité ». Heureusement, car il vit entouré que de femmes dont certaines participent à la vie locale à travers les activités des associations : « Nous sommes des habitants de la commune. Je me sens bien même si évidemment ma famille me manque. Cependant, les visiteurs peuvent venir quand ils veulent. Pour manger, ils doivent prévenir et doivent apporter le dessert. C’est un signe de convivialité. C’est comme cela qu’on connaît les familles et les amis des colocataires. Cela permet de passer des moments agréables et de créer des liens » détaille Ginette. Et puis, s’il y a des points de friction, « nous organisons un conseil des colocataires tous les deux mois. On peut aussi y apporter des idées qui seront prises en compte » conclut Jean-Marie.