Quarante jours d’inquiétude, de faux espoirs, jusqu’au dénouement inespéré. Ce week-end, la Colombie souffle après le sauvetage de Lesly (13 ans), Soleiny (9 ans), Tien Noriel (4 ans) et Cristin (1 an)perdus après des semaines de recherches au beau milieu de l’impénétrable jungle amazonienne. Des recherches ponctuées de rebondissements, qui ont mobilisé de considérables moyens.
Le périple a commencé le 1er mai dernier. Originaires du groupe indigène Uitoto, les quatre enfants voyageaient avec trois adultes à bord d’un petit avion entre la jungle d’Araracuara et la ville de San Jose del Guaviare, dans le sud du pays. Dans la matinée, l’appareil, un Cessna 206, s’écrase en forêt. Il faudra 16 jours aux autorités pour trouver le site de l’accident. Elles y trouvent alors les corps de la mère des enfants, du pilote et d’un proche.
Lesly, ses sœurs et son petit frère, restent absents. À terre, gît un biberon. De petites empreintes de pas, récentes, sont visibles. L’armée et les autorités de l’aviation civile pensent que les enfants ont survécu. L’opération « Espoir », « Esperanza » en espagnol, est en marche. 120 militaires, 72 bénévoles, membres des communautés indigènes locales, et des équipes canines parcourent la jungle pour retrouver les quatre enfants.
Orages, animaux sauvages et « processus spirituels »
La mission est rude. La trajectoire des enfants reste imprévisible, plus que celle des adultes, souligne Robert Koester, chercheur américain et consultant spécialiste des stratégies de recherches pour des personnes perdues, au Parisien ce dimanche. « A ces âges-là, ce qui est logique pour eux ne l’est pas du tout pour un adulte », rappelle-t-il. Autre facteur : l’environnement. Il faut faire face aux fréquents orages, aux serpents, aux jaguars rôdant dans l’épaisse jungle amazonienne.
Pour empêcher les enfants de trop avancer, des hélicoptères de l’armée de l’Air survolent la zone. Ils diffusent des messages de la grand-mère des enfants, qui les appelle à s’arrêter, et larguent des tracts et des kits de survie contenant de la nourriture et de l’eau.
Car lorsque les cibles sont mouvantes, la tâche de recherche est beaucoup plus difficile, explique Robert Koester. « Dans ces cas là, si on a déjà râtissé une zone, il faudra peut-être y repasser. Il faut se baser sur les moindres indices, des traces de leurs chemins. »
De longues recherches
Les autochtones, eux, disent mener des « processus spirituels » pour faire « parler » la jungle. Des signes concrets se multiplient : les secouristes trouvent un abri fait de branchages, deux couches, une paire de chaussures. Un chien pisteur débusque une paire de ciseaux et un bandeau pour les cheveux.
Le 17 mai, c’est le revirement. Gustavo Petro, le président colombien annonce que les enfants ont été retrouvés vivants sur Twitter. Problème : l’information n’est pas confirmée. Petro se rétracte le lendemain, les Colombiens sont confus. Trois semaines plus tard, une autre mauvaise nouvelle apparaît. Wilson, le berger belge de six ans qui avait repéré un biberon sur l’accident, disparaît à son tour« désorienté » en raison du « terrain complexe ».
Malgré ces déboires, les recherches ont longtemps persisté, fait remarquable selon Robert Koester. « Souvent, les secouristes abandonnent ou suspendent leur mission au bout d’une semaine ou deux. Cette fois, le pays a fait de ces recherches une priorité, et c’est louable », commente-t-il.
Cette persistance a payé. Vendredi, le miracle s’est opéré. À quelques kilomètres du crash, la fratrie est retrouvée vivante, mais fragile. Dans la nuit, au beau milieu des arbres touffus et opaques, un hélicoptère a pu les extraire à 60 m d’altitude. Désormais, les enfants sont pris en charge par des médecins. Ils expliqueront peut-être, dans les semaines à venir, comment ils ont survécu aussi longtemps dans un milieu aussi hostile.