Ils sont toujours là. Entre Peyssies et Carbonne (Haute-Garonne), sur l’autoroute A64près de Toulouse, tracteurs, bennes et un mur de paille occupent la chaussée depuis jeudi soir. La N 124 est partiellement bloquée dans le Gers, entre les échangeurs 11 et 13. D’autres agriculteurs ont aussi prévu de manifester à Tarascon-sur-Ariège, à nouveau. Et ce matin, les accès à la centrale nucléaire de Golfech, dans le Tarn-et-Garonne, étaient bloqués par une cinquantaine de tracteurs, selon la gendarmerie et La Dépêche. Lors d’un point de situation publié ce lundi à 11h30, la préfecture du Tarn-et-Garonne a indiqué que de « fortes perturbations étaient signalées sur différents secteurs du département ». Le péage sud de l’autoroute A9, entre la France et l’Espagne, est totalement bloqué, rapporte le préfet des Pyrénées-Orientales.
« De la colère s’exprime, qui n’est pas nouvelle », a rappelé Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, sur France Inter ce lundi matin. Énumérant les difficultés, et notamment la hausse des importations alors « qu’on nous demande de mettre des terres en jachère », il lance cette phrase sans appel : « le constat semble partagé, alors aux actes ! » Résultat : « Je peux vous dire que dès aujourd’hui et toute la semaine et aussi longtemps qu’il sera nécessaire, un certain nombre d’actions vont être menées », a-t-il dit.
Comme ailleurs en Europe, les paysans français crient contre des charges financières et des normes environnementales jugées trop lourdes. Leur mouvement de retournement des panneaux de signalisation a essaimé partout en France, il n’a pas permis d’avancer. Les manifestations prennent le relais. « Résistance agricole », clament des banderoles.
Des Pays-Bas à la Roumanie en passant par la Pologne ou l’Allemagneles agriculteurs multiplient les actions contre la hausse progressive de la fiscalité sur le gazole non routier (GNR) et le Green Deal européen. Le tout, sur fond d’inflation et de concurrence des importations ukrainiennes. Même au Royaume-Uni, qui depuis le Brexit n’est plus soumis aux normes européennes, la grogne monte : des producteurs de fruits et légumes vont manifester ce lundi devant le Parlement à Londres pour protester contre les contrats d’achats « injustes » qui les lient aux principales enseignes de la grande distribution. Ils viendront avec 49 épouvantails, représentant le pourcentage d’agriculteurs qui risquent de devoir abandonner leurs cultures.
« Colère légitime »
Craignant un embrasementle Premier ministre Gabriel Attal a prévu de recevoir ce lundi, à 18 heures, la FNSEA et le syndicat des Jeunes agriculteurs. « Le Président de la République nous avait certifié pendant le Covid que déléguer notre alimentation à autrui serait une folie et pourtant les niveaux d’importation n’ont jamais été aussi importants aujourd’hui en France, a reproché ce lundi matin, sur CNews, Hervé Lapie, secrétaire général de la FNSEA. On importe 40 à 50 % de nos fruits et légumes, une volaille sur deux, 20 % des bovins », a-t-il notamment cité en exemple. « Il faut prendre son courage à deux mains, quelque chose ne fonctionne plus », les charges ont augmenté de « 20 à 25 % ces trois dernières années ». « Ce que nous attendons du Premier ministre, c’est une vraie prise de conscience et qu’il agisse le plus rapidement possible sur des sujets qui sont très très bien connus », a-t-il défendu.
« Nos agriculteurs ne sont pas des bandits, des pollueurs, des personnes qui torturent les animaux, comme on peut l’entendre parfois », a tenté d’apaiser Gabriel Attal samedi dans le Rhône. Mais l’annonce, dimanche, d’un nouveau report du projet de loi Agriculture risque de renforcer la colère. Le texte, promis il y a plus d’un an, qui devait être présenté mercredi en Conseil des ministres, ne le sera que dans « quelques semaines » avec pour objectif d’être débattu au Parlement « au premier semestre 2024 », a annoncé dimanche Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture. La FNSEA en attend notamment « d’arrêter la surtransposition » des normes européennes et « d’appliquer à 100 % » la loi EGalim de 2021qui vise à protéger la rémunération des agriculteurs.
« Cette colère est légitime, ces revendications, nous devons être capables de les entendre. Nous ne partons pas d’une feuille blanche, nous avons travaillé sur cela », a fait valoir ce lundi matin la porte-parole du gouvernement Prisca Thévenot.
Déplorant « un déni permanent » sur les enjeux agricoles, la députée écologiste Sandrine Rousseau a vivement réagi : « J’aimerais qu’il n’y ait pas de réchauffement climatique, j’aimerais qu’il n’y ait pas 60 % des oiseaux qui aient disparu, j’aimerais qu’on continue comme avant. Aujourd’hui, on n’est pas dans cette situation. Il va falloir produire différemment… Quand un kilo de bœuf, ça utilise 13,000 litres d’eau, nous ne pouvons plus continuer cela », a-t-elle affirmé sur Sud Radio, appelant à « trouver d’autres sources de revenus » aux agriculteurs, notamment pour « la préservation de l’environnement ».