Des gens ordinaires, plongés dans une sordide affaire. Si le fait divers a plombé l’ambiance des fêtes de fin d’années pour les 500 habitants de ce petit village cerné par la forêt et les étangs au fin fond du pays de Sarrebourg, pour Madeline Vautrin et Dominique Mathieu, c’est la vie qui a basculé. Ils sont les propriétaires de la maison de Gondrexange (Moselle) dans laquelle ont été découverts, le 20 décembre, les restes d’un cadavre tassés dans une malle en métal, par des pompiers appelés au départ pour un simple feu de cave.
La veille de Noël, ils ont tous les deux été mis en examen pour « meurtre », « recel de cadavre » et « atteinte à l’intégrité d’un cadavre » puis placés en détention provisoire. Leurs deux enfants, âgés de 13 ans et 9 ans, ont eux été confiés à l’ASE. « Cette affaire, c’est aussi un drame familial », soupire Me Loraine Biernaczyk, l’avocate de Dominique Mathieu, dont l’unique déclaration en garde à vue a visé à disculper sa compagne. Le 11 janvier 2024, Madeline Vautrin a été remise en liberté. « Elle n’était au courant de rien et je la crois. La seule chose qu’on peut lui reprocher c’est sa naïveté ! », a expliqué son conseil, Me Romain Hellenbrand, en concluant : « Ce n’est pas un couple de tueurs comme on peut se l’imaginer. »
Vosgiens d’origine, lui, comme elle, n’ont jamais fait parler d’eux. Ni ici, ni ailleurs. Pas de casier judiciaire ou même une contravention. Employée au Center Parcs « Les Trois Forêts », Madeline, 35 ans, partait tôt le matin y animer une petite équipe chargée de l’entretien des cottages et voyait du monde toute la journée. Son compagnon, Dominique, 49 ans, travaillait comme chauffeur pour une société de transport de personnes, quelques heures par jour seulement. Le reste du temps, il développait depuis leur maison son activité parallèle : il s’était récemment lancé dans la création de stickers et le flocage publicitaire de véhicules automobiles. Si « leurs tempéraments sont aux antipodes, elle est aussi souriante et énergique qu’il est réservé et passif », d’après Me Hellenbrand, cela fait pourtant dix-sept ans qu’ils sont ensemble.
L’odeur serait venue des égouts
À Gondrexange, on ne leur connaît ni d’ennemis, ni vraiment d’amis. C’est tout juste s’ils fréquentaient encore leurs voisins, les Seebert, avec qui ils avaient sympathisé à leur arrivée dans le village. « Je me suis fâché avec lui car je trouvais qu’il la traitait comme une merde ! Il disait que c’était une bonne à rien, pourtant le ménage, les courses, la lessive, c’est elle qui faisait tout », raconte Gilbert Seebert. C’est à l’étage de la maison, sur le même niveau que les chambres à coucher, dans une grande pièce qui servait autrefois de fumoir à jambon, qu’a été découverte la malle en métal devant laquelle brûlait une bougie parfumée, probablement pour camoufler l’odeur… Comment la mère de famille n’a-t-elle pu rien remarquer ?
« Madeline et ses enfants se plaignaient depuis un moment du fait que ça puait dans la maison mais son compagnon affirmait qu’il s’agissait d’un problème de lave-vaisselle qui refluait les égouts », affirme Me Hellenbrand. Dans ce cas, pourquoi d’après une source proche du dossier, Madeline Vautrin a-t-elle été vue quelques jours avant la sordide découverte, sur les caméras du Brico-Leclerc de Sarrebourg en train d’acheter des bâches, une corde et des blouses blanches ? Dominique Mathieu qui l’attendait dans la voiture, comme à son habitude, l’a-t-il envoyée faire ces courses dans le but de faire disparaître rapidement un corps devenu gênant ?
Un lien avec un jeune disparu ?
À ce stade de l’enquête, si de nombreuses interrogations demeurent, certaines pistes ont d’ores et déjà été écartées : l’amant comme le différend familial ou le règlement de comptes sur fond de trafic de stupéfiants. Depuis quelques jours, une hypothèse plus sérieuse circule selon une source proche de l’enquête. Sur le petit terrain qu’il possède au bord d’un étang, à Val-et-Châtillon, à une vingtaine de kilomètres de Gondrexange, Dominique Mathieu aurait pu tomber nez à nez avec un intrus et les choses se seraient mal passées. Dans le village certains parlent « d’un marginal », d’autres d’un « homme d’origine roumaine ».
« On savait qu’il avait un cabanon à Val-et-Châtillon, de temps en temps il allait tondre le champ, confirme son voisin. Avant que la presse en parle, ma femme s’était demandé s’il n’avait pas pu se passer quelque chose de grave là-bas. » Et le même de spéculer : « Mais pourquoi diable n’a-t-il pas appelé la gendarmerie ? Quelle idée de l’emmener chez lui ? Et après, le découper ? Mais il va prendre perpétuité ! » D’après Me Loraine Biernaczyk, Dominique Mathieu « a récemment demandé à s’expliquer, il devrait être interrogé prochainement par le juge d’instruction. »
À Val-et-Châtillon (Meurthe-et-Moselle), c’est à peine si on a entendu parler de l’affaire du cadavre dans la malle. Ici, le seul fait divers qui a marqué les esprits est la disparition le 28 août 2022 de Guillaume Mongin, un jeune homme de 27 ans atteint de schizophrénie. Après une balade en forêt, il n’est jamais rentré chez lui. Malgré d’âpres et longues recherches, les gendarmes n’ont pu le localiser. Depuis seize mois, ses parents et son frère multiplient les appels à témoins. Des badauds disent l’avoir aperçu mais « aucun contrôle officiel n’a pu être fait par un service de police ou de gendarmerie permettant de l’identifier formellement », a assuré au Parisien la gendarmerie de Blâmont. Les deux affaires pourraient-elles avoir un lien ? « On y a pensé… » Mais pour l’instant, le mystère reste entier. Y compris sur l’identité de la victime. La seule chose qu’a confirmée le parquet de Metz, c’est qu’il s’agissait d’un « jeune homme, entre 25-35 ans ».