Un nouveau drame de la drogue à Marseille. Au moins trois personnes sont décédées et trois autres sont entre la vie et la mort, touchées dans trois fusillades qui ont éclaté dans la nuit de dimanche à lundi, dans les quartiers populaires du nord de la ville.
Les deux premières fusillades seraient liées
Selon nos informations, vers 22h30, deux blessés sont découverts boulevard de la Padouane, dans la cité du Castellas (XVe). Un homme de 29 ans est blessé par balle au pied, un autre, âgé de 22 ans, est blessé aux jambes. Un troisième homme, âgé de 27 se présente plus tard, à l’hôpital bord, blessé aux jambes.
Quelques minutes plus tard, à 500 mètres de là, de l’autre côté de l’autoroute A7, près de la cité des Aygalades, cinq personnes sont découvertes blessées par balles, deux dans une voiture, trois à l’extérieur. Deux hommes de 24 et 31 ans sont blessés aux membres inférieurs, un garçon de 24 ans présente un impact dans le dos. Retrouvés en état d’arrêt cardiorespiratoire, deux hommes de 23 et 24 ans sont décédés.
Selon les premiers éléments recueillis par les enquêteurs, le ou les tireurs se trouvaient à bord d’une voiture, ont pénétré dans la cité et ont sillonné les scènes de crime en rafalant les victimes. Selon des témoins, il y aurait au moins deux tireurs. Le premier tirait par la fenêtre du véhicule, le second aurait mis pied à terre.
Sur place, les lieux des deux fusillades, une cinquantaine de douilles a été découverte : des munitions 7.62 millimètres, qui correspondent à une arme de guerre, des 7.65 et du 9 millimètres qui correspond à une arme de poing.
Un mineur meurt dans la troisième fusillade
Peu avant une heure du matin, une troisième fusillade a éclaté dans le IIe arrondissement de Marseille, vers la rue Vincent-Leblanc, proche du quartier portuaire de la Joliette. Un adolescent de 14 ans est découvert blessé à la tête, un autre, du même âge, au bras. Un troisième adolescent, âgé de 16 ans, est retrouvé mort. Ils ont été touchés par des tirs de 9 millimètres.
Cette fusillade aurait « des liens avec le trafic de stupéfiants à La Paternelle », selon les premiers éléments de l’enquête, selon la préfète Frédérique Camilleri. « S’il a des liens avec La Paternelle, ça nous aide peut-être à comprendre ce qu’il s’est passé, car cette cité est aujourd’hui à l’origine de la quasi-totalité des assassinats qui ont eu lieu ces derniers mois à Marseille, avec deux équipes qui se disputent les points de deal et qui sont sans doute rentrées dans une sorte de dynamique de vendetta », analyse-t-elle.
« On va essayer de faire mal à l’adversaire en tuant des gens de son entourage, de son réseau, et cela explique sans doute l’enchaînement de fusillades, le plus souvent des personnes qui sont extrêmement bas dans le réseau », a-t-elle ajouté.
Cette cité, située dans le 14e arrondissement, est une succession de petits immeubles colorés et dégradés dans laquelle les points de vente de stupéfiants, extrêmement lucratifs, sont indiqués par des parcours fléchés, avec le menu « shit, beuh, coke » affiché aux murs.
« Ce conflit s’est activé l’été dernier, il s’est accéléré fin 2022 pour une raison inconnue mais qui a activé une guerre sans merci pour éliminer chacun d’entre eux. Et chaque clan a des intérêts dans d’autres cités, les Micocouliers, Font Vert, Kallisté, tous ces noms là où il y a eu des fusillades ces derniers mois », poursuit la préfète.
Aujourd’hui, « le trafic à La Paternelle est considérablement ralenti car ils ont du mal à recruter, on a mis des blocs de béton à l’entrée de la cité qui ralentissent considérablement leur activité et je mets des CRS tous les jours, justement aux horaires les plus lucratives pour le trafic, afin d’assécher les points de deal », en plus du « travail judiciaire qui doit se faire », énumère-t-elle.
Accélération des violences
Avec les trois morts de cette nuit, ce sont 13 personnes qui ont été tuées par balle depuis le début de l’année dans la cité phocéenne, selon un décompte de l’AFP, la plupart du temps sur fond de trafic de stupéfiants dans ces cités des quartiers populaires de la deuxième ville de France gangrenées par la pauvreté, le chômage et la drogue.
Le 29 mars, le corps d’un jeune homme de 20 ans, vraisemblablement décédé depuis plusieurs jours, avait ainsi été retrouvé dans un terrain vague de la cité de la Paternelle (XIVe arrondissement) atteint de plusieurs balles. Cinq jours auparavant, un homme d’une vingtaine d’années avait été tué dans le IIIe arrondissement, à proximité du quartier portuaire de la Joliette, touché de neuf balles.
La première fusillade de l’année dans la cité phocéenne avait eu lieu dès le 1er janvier, cité de la Paternelle, près du point de deal du « Vieux-Moulin », un des trois points de vente de drogue de cette cité désormais au cœur des guerres de territoires entre bandes rivales dans la ville, selon les enquêteurs. Un homme de 26 ans avait été grièvement blessé par balles.
Le premier mort par balles de l’année avait quant à lui été enregistré le 20 janvier, un homme de 43 ans visé dans un local associatif de la cité Consolat (XVe arrondissement).
28 morts à Marseille en 2022
L’année 2022 avait été particulièrement meurtrière dans les Bouches-du-Rhône, avec 32 victimes d’homicides en bande organisée, dont 28 à Marseille, selon les chiffres du parquet. Un chiffre qui avait dépassé le record de 2016 où le parquet avait comptabilisé 31 victimes de ce type de faits. 31 de ces morts par balles de 2022 étaient directement « liés au trafic de stupéfiants », avait précisé la préfecture de police.