Il s’agit du « coup le plus dur infligé à ce jour à l’organisation criminelle italienne », selon Europol. Une opération de police européenne de grande envergure ciblant la mafia calabraise, la très redoutée’Ndrangheta, a donné lieu mercredi à 132 arrestations, des perquisitions et des saisies dans dix pays, dont l’Italie, l’Allemagne et la France.
Au total, plus de 2 700 policiers ont été mobilisés, 150 perquisitions ont été menées dans huit pays européens ainsi que plusieurs arrestations. Le point sur la situation.
Une « opération européenne de grande envergure »
Plus de 2 700 policiers ont été mobilisés sur le terrain pour ce méga coup de filet lancé mercredi à l’aube, dont 1 400 rien que pour l’Italie. Des centaines de policiers sont intervenus dans cinq régions d’Allemagne dans le cadre d’une « opération européenne de grande envergure » qui vise « des responsables et des membres de la ‘Ndrangheta », ont déclaré dans un communiqué commun plusieurs parquets régionaux, dont celui de Munich.
Ces actions ont été organisées dans le cadre d’« un dossier ouvert par le parquet fédéral belge », a précisé ce dernier, en coopération avec la police judiciaire belge, les agences européennes Europol et Eurojust. Le ministre de l’Intérieur de Bavière, Joachim Herrmann, a qualifié cette opération de « coup sensible porté à la’Ndrangetha ».
L’enquête, lancée il y a plus de trois ans au niveau européen, a pu attribuer à la’Ndrangetha l’importation et le trafic de près de 25 tonnes de cocaïne, pour la période allant d’octobre 2019 à janvier 2022. Elle a aussi confirmé d’importants flux de drogues entre l’Amérique du Sud et l’Europe, notamment gérés par le clan de San Luca en Calabre, la pointe de la Botte italienne.
Les suspects auraient fait passer de grandes quantités de cocaïne en Europe en provenance de pays comme la Colombie, le Brésil et l’Équateur. La drogue aurait été acheminée par porte-conteneurs vers des ports comme Anvers, Rotterdam ou Gioia Tauro en Calabre. Tout ceci grâce aux accords noués par la’Ndrangheta avec l’organisation criminelle colombienne du Clan del Golfo et un autre groupe criminel de souche albanaise opérant en Équateur et en Europe.
150 perquisitions et plusieurs interpellations
Ce mercredi « environ 150 perquisitions » ont été menées dans huit pays européens, dont l’Italie, l’Allemagne et la France, détaille le parquet fédéral belge. Une douzaine de personnes ont été interpellées en Belgique, une vingtaine en Allemagne, et 105 en Italie pour association mafieuse, trafic de drogue, trafic d’armes, fraude fiscale et blanchiment d’armes.
Les autorités en Italie, en Allemagne et Belgique devraient donner plus de détails sur les investigations lors de conférences de presse prévues dans la journée. Selon le parquet italien, des sociétés et biens immobiliers ont également été saisis pour un montant de 25 millions d’euros.
En Europe, les autres pays concernés par l’opération, baptisée Eureka, sont l’Espagne, le Portugal, la Slovénie et la Roumanie. En Amérique latine, il s’agit du Brésil et du Panama, précise Europol, qui a coordonné les différentes polices impliquées.
Pourquoi la’Ndrangheta est particulièrement visée ?
La’Ndrangheta domine le marché de la cocaïne sur le Vieux Continent. Implantée dans la région italienne de Calabre, la’Ndrangheta est considérée comme la mafia la plus riche et la plus puissante d’Italie. Elle couvre plus de 40 pays, et son extension mondiale ne fait que croître.
Les familles à la tête de ce réseau criminel sont aussi impliquées depuis des décennies dans des violences, des affaires de blanchiment d’argent et de corruption pour se disputer ce juteux marché. Afin de blanchir l’argent de la drogue, elles auraient investi dans des restaurants, pizzerias, cafés, hôtels, glaciers et dans l’immobilier en Allemagne, en Belgique, au Portugal, au Brésil, en Uruguay et en Argentine.
Un épisode sanglant avait mis en lumière l’implantation de la’Ndrangheta en Allemagne : en août 2007, les corps de six Italiens, âgés de 16 à 39 ans et membres d’un des deux clans de San Luca, avaient été découverts criblés de balles dans deux véhicules devant le restaurant italien « Da Bruno » à Duisbourg, dans l’ouest du pays. Ce massacre était, selon les enquêteurs, une vendetta après l’assassinat fin 2006 de Maria Strangio, épouse de Giovanni Nirta, chef du clan rival.