L’enquête a été menée avec une certaine célérité au regard de la sensibilité du dossier et de la nécessité d’apaiser les relations entre Paris et Téhéran. Selon nos informations, un suspect a été interpellé dimanche 10 septembre par les policiers du 1er district de la police judiciaire (DPJ) parisienne dans l’enquête sur le mystérieux incendie qui a frappé samedi matin le consulat de la République islamique d’Iran à Paris.
Ce jour-là, les sapeurs-pompiers et la police sont requis, vers 6 heures 40 du matin, pour un feu qui s’est déclaré à proximité immédiate de ce bâtiment diplomatique. Le consulat est situé juste derrière l’ambassade iranienne, 16 rue Fresnel, dans le XVIe arrondissement de Paris. Le lieu est donc considéré comme particulièrement sensible. Selon les premières constatations, l’incendie s’est propagé jusqu’à la façade et le portail du consulat, noircis sous l’avancée du feu. Mais il est rapidement circonscrit, sans provoquer de blessés.
Un incendie déclenché par un pneu enflammé
Très vite, la piste criminelle est privilégiée. Le parquet de Paris ouvre une enquête pour dégradations volontaires par incendie, confiée au 1er DPJ. Alors que les enquêteurs suspectent en premier lieu un jet de cocktail Molotov, il apparaît que le sinistre a été provoqué à l’aide d’un pneu enflammé. Grâce à l’exploitation de la vidéosurveillance, la PJ identifie un suspect qui a pris la fuite en voiture peu après les faits.
Après un travail de recoupements techniques sur la plaque d’immatriculation et les déplacements du véhicule, un homme est identifié, un Français d’origine iranienne de 60 ans, domicilié dans l’Essonne : Nicolas K.-M. Le lendemain, le dimanche, ce dernier, né à Téhéran, est interpellé. À son domicile, la voiture suspecte aperçue sur les images est retrouvée, de même que des vêtements susceptibles d’être portés par l’incendiaire présumé ainsi qu’un bidon. Nicolas K.-M. est placé en garde à vue.
« La France condamne avec fermeté cet acte »
À ce stade, on ignore les motivations du suspect. Mais les enquêteurs envisagent forcément la piste d’un acte politique puisque le 16 septembre marquera le premier anniversaire de la mort de Mahsa Aminiune étudiante iranienne de 22 ans. Originaire de la province du Kurdistan, elle était décédée dans un hôpital de Téhéran trois jours après son interpellation par la « police des mœurs » iranienne, accusée d’avoir mal porté son voile. Son décès suspect avait suscité une forte vague d’indignation en Iran et déclenché de nombreuses manifestations pour s’élever contre un régime politique jugé liberticide et ultra-conservateur.
L’incendiaire présumé aurait-il voulu marquer le coup en s’attaquant à un symbole politique de Téhéran ? Nicolas K.-M. est en tout cas inconnu des services de renseignement, y compris de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), sollicitée pour effectuer des recherches dans sa documentation. La garde à vue du suspect devrait s’achever ce mercredi.
Les réactions diplomatiques ne se sont pas fait attendre coté Téhéran comme Paris. Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Nasser Kanani, avait dénoncé lundi « une tentative (…) d’attaquer les droits des citoyens qui se rendent à l’ambassade pour recevoir des services consulaires ». Il avait aussi fait savoir que l’Iran avait protesté « dans une note officielle adressée aux autorités françaises ». « La France condamne avec fermeté cet acte », a déclaré en écho ce mardi Anne-Claire Legendre, la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères. « Conformément aux conventions de Vienne, elle assure la protection de tous les personnels et emprises diplomatiques présents sur son territoire », a-t-elle ajouté.