Peut-on enfreindre la loi afin de dénoncer une politique éducative que l’on juge nocive pour ses élèves ? Le vendredi 9 mai, Victor Immordino, professeur d’anglais dans un lycée professionnel du XVIIe arrondissement de Paris a choisi de « prendre ce risque ». Après avoir corrigé les copies du bac de ses élèves, il constate leur « niveau catastrophique », dû selon lui à cet examen « qui empêche toute innovation dans l’éducation. Le bac empêche de faire émerger un intérêt sincère des élèves pour une matière comme l’anglais car on ne se focalise que sur le passage de l’examen. »
Alors, ce matin-là, devant son lycée, une poubelle et de l’essence à briquet à la main, il incendie 63 copies du bac. « Un acte de contestation qui avait vocation à être médiatisé » et qui est immortalisé par Le Parisien. Plusieurs médias recueillent alors les propos du jeune prof de 30 ans afin qu’il détaille ses critiques contre l’Éducation nationale.
« Liberté d’expression » ou non ?
Ce vendredi, face au tribunal correctionnel de Paris où il est jugé pour « destruction par moyen dangereux » et encourt dix ans de prison, Victor Immordino assume toujours son acte. L’ancien professeur – il a quitté l’Éducation nationale depuis les faits mais souhaite développer une méthode d’enseignement alternative – nie le caractère dangereux de son acte et assure avoir « pris les précautions nécessaires pour éviter tout incendie en apportant une poubelle en métal et en restant suffisamment éloigné du lycée ».
Celui qui est aujourd’hui garçon de café maintient, face aux questions du tribunal, avoir avant tout « pensé aux élèves avant de commettre cet acte (…) La bienveillance qu’ils ont tous reçu après cet acte leur a permis de repasser l’examen dans de meilleures conditions. L’objectif était de faire réfléchir à nos méthodes d’enseignement. »
Pour Me Célia Chauffray, l’avocate de Victor Immordino, l’acte du professeur s’inscrit dans une logique militante devant être protégée par « la liberté d’expression ». Une notion que la Cour de cassation a plusieurs fois mise en avant, notamment en 2022 après les actions de militants écologistes ayant décroché des portraits d’Emmanuel Macron.
Or, « il ne fait pas de doute que les questions autour des méthodes d’enseignement sont d’intérêt général, plaide Me Chauffray. Monsieur Victor Immordino a d’ailleurs reçu beaucoup de messages de soutien de la part de professionnels de l’Éducation nationale. » Une notion contestée par les trois juges, selon qui Victor Immordino aurait pu dénoncer les méthodes de l’Éducation nationale via ses syndicats. L’enseignant a été condamné à 800 euros d’amende.