Des témoins dans la capitale soudanaise ont fait état d’affrontements et de frappes aériennes quelques minutes après l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu humanitaire d’une semaine lundi soir, l’odeur de fumée persistant après des coups de feu et des explosions qui ont secoué Khartoum tout au long de la journée.
Les témoins ont rapporté des combats dans le nord Khartoumet Frappes aériennes dans l’est de la capitale peu après 21h45 (19h45 GMT) lorsque trêve devait prendre effet.
Une série d’annonces de trêve précédentes ont toutes été violées par les généraux en guerre, mais le États-Unis et Arabie Saoudite – qui a négocié l’affaire – avait dit que celle-ci était différente car elle était “signée par les parties” et sera appuyée par un “mécanisme de surveillance du cessez-le-feu”.
Un témoin dans le sud de Khartoum avait signalé une frappe aérienne, suivie d’un silence, peu avant que le cessez-le-feu n’entre en vigueur.
Les frappes aériennes et les tirs d’armes à feu se sont généralement calmés du jour au lendemain pendant la guerre qui a duré plus de cinq semaines.
Plus tôt lundi, les habitants de la capitale – anxieux d’un sursis pour leur permettre de rejoindre des parents bloqués, de fuir vers la sécurité ou d’avoir accès à l’aide humanitaire – a déclaré qu’il n’y avait pas grand-chose à montrer que les combattants se préparaient à faire une pause, signalant des frappes aériennes et des tirs antiaériens pour la 37e journée consécutive.
“Des avions de combat bombardent notre quartier”, a déclaré à l’AFP Mahmoud Salah el-Din, un habitant de Khartoum, dans les heures qui ont précédé l’entrée en vigueur de la trêve.
Les combats ont commencé le 15 avril entre l’armée, dirigée par le chef de facto soudanais Abdel Fattah al-Burhan, et les forces paramilitaires de soutien rapide commandées par l’ancien adjoint de Burhan, Mohamed Hamdan Daglo.
Selon l’accord de sept pages publié par les États-Unis, les parties belligérantes devaient utiliser les deux jours précédant son entrée en vigueur lundi soir pour “informer leurs forces respectives” à ce sujet et “leur ordonner de s’y conformer”.
Mais Volker Perthes, l’envoyé de l’ONU au Soudan, a déclaré au Conseil de sécurité des Nations Unies que “les combats et les mouvements de troupes se sont poursuivis jusqu’à aujourd’hui, malgré l’engagement des deux parties de ne pas rechercher d’avantage militaire avant que le cessez-le-feu n’entre en vigueur”.
Alors que les forces gouvernementales contrôlent le ciel, elles ont peu d’hommes au sol dans le centre de Khartoum, où RSF est dans les rues.
“Nous n’avons vu aucun signe indiquant que les Forces de soutien rapide se préparent à se retirer des rues”, a déclaré Salah el-Din, un habitant de Khartoum.
Environ 1 000 personnes ont été tuées en cinq semaines de violence qui ont plongé le pays déjà frappé par la pauvreté plus profondément dans la crise humanitaire.
Plus d’un million de personnes ont été déracinées, dont plus de 250 000 qui ont traversé les frontières du Soudan, alimentant les inquiétudes pour la stabilité régionale.
“Nous avons tous faim”
Quelques heures avant le début de la trêve, Daglo a publié un message vocal sur les réseaux sociaux concernant les violations signalées par ses forces – y compris des pillages endémiques, ciblant des civils et des attaques contre des églises – tout ce qu’il a imputé aux « comploteurs de coup d’État » dans l’armée.
A ses combattants, il a dit “c’est soit la victoire, soit le martyre, et la victoire sera à nous”.
Au Conseil de sécurité, le représentant du Soudan, fidèle à Burhan, a accusé les RSF de violations similaires.
Malgré les précédentes trêves violées, les civils s’accrochaient à l’espoir que le cessez-le-feu imminent tiendrait, permettant à l’aide désespérément nécessaire de renforcer les approvisionnements en nourriture, médicaments et autres produits de première nécessité.
“Nous avons tous faim, les enfants, les personnes âgées, tout le monde souffre de cette guerre. Nous n’avons plus d’eau”, a déclaré à l’AFP Souad al-Fateh, une habitante de Khartoum, appelant les deux parties à “trouver un accord”.
Plus de la moitié de la population, 25 millions de personnes, ont besoin d’aide humanitaire, selon l’ONU.
“Avec un cessez-le-feu, l’eau courante pourra être rétablie et je pourrai enfin voir un médecin car je suis censé en voir un régulièrement pour mon diabète et mon hypertension”, a déclaré à l’AFP Khaled Saleh, dans la ville jumelle d’Omdurman. .
Pour d’autres, comme Thuraya Mohammed dans le sud de Khartoum, ce serait une chance de s’évader car “Khartoum n’est plus un lieu de vie. Tout a été détruit”.
Les médecins ont répété à plusieurs reprises que le système de santé – déjà fragile avant la guerre – est sur le point de s’effondrer à Khartoum et ailleurs, en particulier dans la région occidentale du Darfour.
Les doutes
L’ONU a fait état de centaines de civils tués dans la capitale du Darfour occidental, El Geneina, et dans son discours au Conseil de sécurité, Perthes a averti que “l’ethnicisation croissante du conflit risque de l’étendre et de le prolonger avec des implications pour la région”.
D’intenses combats à Nyala, la capitale du Sud-Darfour, ont fait 28 morts la semaine dernière, selon le syndicat des médecins.
Othman al-Zein, propriétaire d’un magasin du marché de Nyala qui a été attaqué et pillé à plusieurs reprises, a déclaré à l’AFP que “si la trêve tient”, il quittera la ville.
“Bien que je doute qu’il soit mis en œuvre dans tout le Soudan”, a-t-il déclaré.
Burhan et Daglo en octobre 2021 ont organisé conjointement un coup d’État qui a fait dérailler une transition fragile vers un régime civil mise en place après le renversement en 2019 de l’ancien autocrate Omar al-Bashir.
Ils se sont ensuite brouillés dans une lutte de pouvoir, notamment à propos de l’intégration des RSF dans l’armée régulière.
Andrew Mitchell, ministre d’État au ministère britannique des Affaires étrangères, a déclaré à l’AFP à Genève qu’il était “absolument essentiel que nous obtenions un cessez-le-feu efficace et durable, et que nous revenions sur la voie politique”.
(AFP)