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Affaire Kendji Girac : le chantage au suicide, « un véritable système de terreur au sein du couple »

by Jamesbcn
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« En quelque sorte, il a simulé un suicide ». Le chanteur Kendji Girac a été hospitalisé cette semaine après avoir été blessé par balle, expliquant s’être « porté volontairement » un coup de revolver afin de « faire peur » à sa femme qui menaçait de le quitter. « Je voulais faire entendre le bruit de la détente à Soraya, pour qu’elle ne parte pas », a-t-il raconté, selon ses propos rapportés par le procureur.

Depuis ces révélations, le geste du chanteur est relié à la question du chantage au suicide dans le couple, un procédé que l’on retrouve régulièrement dans les affaires de violences psychologiques et conjugales.

« C’est une question vraiment particulière qu’il faut bien décorréler de l’intention suicidaire, de la pulsion suicidaire et de la tentative de suicide chez une personne malheureusement en proie à une mélancolie extrême, à une souffrance intolérable », note d’emblée Armelle Vautrot, chercheuse et thérapeute spécialisée en trauma. Ce type de sommation est « une prise de pouvoir qui soumet l’autre : si tu me quittes, je me tue. Cela sous-entend : tu seras responsable de ma mort. »

Sur le « violentomètre » – outil permettant de sensibiliser aux violences conjugales – le fait qu’une personne « menace de se suicider à cause de toi » fait partie des alertes les plus fortes et se place au niveau 19 sur une échelle de 24.

Du vert au rouge, le violentomètre montre la progression des violences conjugales. LP/Infographie

La thérapeute dit rencontrer « très souvent » ce genre de menaces dans son travail. Dans l’enquête Genese de 2021menée par le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), 32 % des femmes victimes de violences psychologiques dans le couple expliquaient en effet avoir subi du « chantage à se faire du mal en cas de rupture », 23 % des hommes victimes faisaient le même constat. « Ce sont parfois des personnes au sein du couple et parfois des enfants et des adolescents au sein de leur famille » qui le subissent, ajoute Armelle Vautrot.

« Un signal fort de féminicide »

Ce chantage est une violence psychologique forte : « La personne en face se sent coupable, responsable, elle a peur » du suicide de l’autre, explique Chantal Paoli-Texier, présidente et fondatrice de l’association AJC pour les droits des victimes de violences morales intrafamiliales. Cela « met en place un véritable système de terreur au sein du couple ou de la famille : plus personne ne va oser s’exprimer, contredire, de peur d’être responsable de la mise à exécution de ce chantage, abonde Armelle Vautrot. C’est piéger l’autre avec la plus grande des responsabilités : le droit de vie ou de mort. »

Avec ces menaces, voire un passage à l’acte, « l’auteur détourne sa responsabilité en la faisant peser sur l’autre : regarde ce que tu me fais faire », continue Chantal Paoli-Texier. Un mécanisme que l’on retrouve aussi dans les cas de violences physiques.

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Les spécialistes interrogées notent toutefois que le chantage au suicide dans le couple n’est pas forcément synonyme de violences physiques. Mais c’est « un signal fort pour un féminicideavec un auteur qui se suicide ensuite », alerte Nathalie Rocailleux, psychologue clinicienne et fondatrice de l’association AFL Transition, spécialisée dans le traitement des violences intrafamiliales. En ce sens, « une menace de suicide, c’est une menace de mort pour la femme », ajoute-t-elle, soulignant la « violence psychologique inouïe » de ce procédé.

Pour Armelle Vautrot, « la violence physique ne se cantonne pas aux bleus visibles » car être dans une situation de domination psychologique, d’emprise, c’est « avoir mal, ne plus dormir, ne plus manger correctement… » Chantal Paoli-Texier ajoute que les victimes de ces actes peuvent à leur tour avoir des envies suicidaires : « Elles sont poussées à bout, n’en peuvent plus de vivre avec la mort à leurs côtés ». Même sans coups portés, « il y a un vrai trauma ».

« Se désengager de la soumission »

Ceux qui sont à l’origine de ces chantages à la mort peuvent se trouver dans « une détresse réelle, une vraie souffrance » qu’ils font peser sur l’autre explique Nathalie Rocailleux, et doivent être soignés. On retrouve ainsi ce type de comportement chez des personnes atteintes du trouble de la personnalité borderlinequi se caractérise par une hyperémotivité et une hypersensibilité, avec par exemple des difficultés à contrôler sa colère ou encore une grande peur d’être abandonné. Pour Armelle Vautrot, s’il peut y avoir de la souffrance chez l’auteur, il s’agit avant tout d’un acte de domination sur l’autre.

Dans tous les cas, si on est victime de ces comportements, la thérapeute conseille de s’ouvrir à des personnes de confiance, sachant que « le plus difficile va être de se désengager de la soumission et donc de l’illusion de la responsabilité que l’autre fait peser sur vous. » « Il faut partir, quitter le domicile ou on restera sous emprise, et se rendre dans des structures qui pourront aider sur le plan juridique et psychologique », estime de son côté Nathalie Rocailleux.

Si vous êtes victime de violences psychologiques ou physiques, vous pouvez vous rendre dans l’un des 98 centres d’Information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) répartis sur le territoire français, ou contacter le 3919qui accompagne les femmes victimes de violences.

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