Faut-il y voir ce à quoi ressembleraient les États-Unis en cas de réélection de Donald Trump à la présidentielle en novembre prochain ? La Fondation du patrimoineun think tank conservateur, a rédigé un manifeste de 922 pages destiné aux cercles républicains. Ce document, appelé « Project 2025 » ( « Projet 2025 » en français), liste leurs souhaits et expose les priorités ainsi que la marche à suivre en cas de défaite du camp démocrate.
Une vidéo en caméra cachée rendue publique ce jeudi montre son coauteur en train de discuter de ses efforts en vue de faire réélire Trump pour un second mandat. Russell Vought y déclare rédiger en secret des centaines de décrets, de règlements et de notes de service pour faciliter le travail de l’ancien président s’il revenait au pouvoir. Le Parisien fait le point sur ce document dont Trump tâche de se distancer.
C’est quoi, la Heritage Foundation ?
Il s’agit d’un groupe de réflexion conservateur, sponsor de la Convention nationale républicaine. Elle a été créée en 1973 sous la présidence de Richard Nixon par deux membres du Congrès républicains, Ed Feulner et Paul Weyrich, en réaction aux groupes de réflexion existants qu’ils estimaient trop libéraux ou pas assez actifs dans la promotion des idées conservatrices.
Très tôt, elle s’est revendiquée comme une organisation anticommuniste et pro entrepreneuriat, avec une tendance chrétienne. La fondation a fortement influencé les républicains à adopter des politiques plus conservatrices, leur but étant de présenter un programme clé en main à un nouveau président. Le patron de la Heritage Foundation, Kevin D. Roberts, a déclaré dans le New York Times en janvier qu’il considérait le rôle de la fondation comme « une institutionnalisation du trumpisme ».
En quoi consiste ce « Projet 2025 » ?
Une des mesures principales du manifeste prévoit de dresser et de diffuser une liste de fonctionnaires gouvernementaux susceptibles de s’opposer au contrôle absolu de Trump et à sa loyauté au sein du gouvernement fédéral. La fondation, qui a investi 100 000 dollars pour cette initiative, demande aussi la réorganisation ou la dissolution des agences fédérales telles que le FBI, le ministère de l’Éducation, le ministère de la Sécurité intérieure, l’Administration nationale océanographique et atmosphérique et le Bureau de protection financière des consommateurs.
Le plan préconise par ailleurs l’interdiction des médicaments utilisés pour les avortements médicamenteux, des changements importants dans la loi sur la protection des patients et les soins abordables, ainsi que l’expulsion de millions d’immigrants en situation irrégulière.
Qu’en pense Donald Trump ?
Le candidat républicain a cherché à prendre ses distances par rapport au Projet 2025, même si beaucoup de ses alliés et anciens responsables de son administration ont participé à sa rédaction. Le candidat a même prétendu qu’il n’en avait jamais entendu parler. Pourtant, lors d’un événement de la Heritage Foundation en 2022, il avait déclaré : « C’est un groupe formidable et ils vont jeter les bases et détailler les plans exacts de ce que notre mouvement fera et de ce que votre mouvement fera lorsque le peuple américain nous donnera un mandat colossal pour sauver l’Amérique. »
Au-delà de son discours, sa proximité avec la fondation est indéniable. En effet, plus de 70 employés anciens et actuels de Heritage ont travaillé pour l’administration Trump en 2017. En 2021, quatre membres du groupe faisaient partie du cabinet présidentiel. Le président du think tank, Kevin D. Roberts est lui un ami proche de J.D. Vancele colistier de Donald Trump.
Bien que le candidat tâche de s’éloigner du groupe, certaines idées de Heritage Foundation sont déjà présentes dans son programme : resserrement des frontières combiné à des expulsions massives, fin du programme vert et une politique étrangère axée sur « l’Amérique d’abord » ( « America first »). Le candidat républicain parle aussi de « mettre la famille au centre de la vie américaine ».
Qu’en pensent les électeurs ?
Et sondage de l’Université du Massachusetts a révélé que les principales politiques associées au « Projet 2025 » de la Heritage Foundation étaient rejetées par une majorité d’Américains. 72 % ne veulent pas restreindre le droit des femmes à la contraception et 64 % veulent conserver le ministère de l’Éducation, par exemple.
Même les anciens électeurs de Trump s’opposent en majorité à plusieurs des mesures phares. Tatishe Nteta, professeur de sciences politiques et à l’origine du sondage, explique ainsi dans son analyse que le Projet 2025 s’apparente à un gros handicap électoral.
Comment réagissent les démocrates ?
Les soutiens de Kamala Harris ont transformé le Projet 2025 en un label pour décrire une politique d’extrême droite. Un terme péjoratif qu’ils utilisent souvent comme une arme contre Trump pour mettre en avant et stigmatiser les éléments les plus extrêmes et impopulaires du programme.
Dans son tout premier discours, Tim Walzle colistier de Kamala Harris, en a d’ailleurs fait une ligne d’attaque directe contre Donald Trump. « Ne le croyez pas quand il fait l’idiot, a déclaré le gouverneur du Minnesota. Trump sait exactement ce que le Projet 2025 fera pour restreindre nos libertés. »