Ce vendredi 14 juin 2024, les élèves de première ont passé leur épreuve anticipée écrite de français. Ci-dessous, vous pouvez retrouver le corrigé du sujet pour la série générale et le sujet pour la série technologique ainsi que les commentaires de nos professeurs qui chaque année rédigent les sujets.
Pour rappel : consultez ici les sujets du bac français 2024
Corrigé du bac français – général
1- Commentaire (20 points)
Objet d’étude : le roman et le récit du Moyen-Âge au XXIe siècle
Commentaire :
Cette année le sujet de commentaire ne propose pas, au premier abord, de difficulté de sens. Le paratexte permet de bien situer l’extrait et d’en comprendre les enjeux, et le lexique reste tout à fait accessible pour un élève de Première Générale. Il s’agit d’un extrait de roman d’une autrice qui n’est pas, a priori, connue des élèves : Claire de Duras. Il ne faudra donc pas s’attarder sur des considérations sur son inscription dans un mouvement littéraire précis. Toute la difficulté pour les élèves résidera dans le fait de saisir les enjeux du texte en proposant différents niveaux de lecture et d’interprétation.
Il convient de rappeler que le plan proposé n’est qu’une possibilité parmi d’autres et que les candidats seront surtout évalués sur la cohérence de leur plan et la rigueur de leur analyse.
En quoi l’élévation morale et esthétique des personnages renforce la manifestation de la souffrance amoureuse ?
A. L’expression de la plainte amoureuse
- Un amour mélancolique et idéal
- La souffrance du narrateur ; une inflexion élégiaque
- Un aveu qui ne peut s’accomplir
B. La nature se fait l’écho des sentiments personnels
- Le locus amoenus ; un paysage état d’âme
- Un portrait en clair-obscur
- Le jasmin comme symbole d’un amour pur et intouchable
C. Un amour rendu impossible par des règles sociales
- Une situation cruelle et injuste suggérée avec dignité et morale
- Le contraste entre la proximité et l’inaccessibilité renforce le sentiment de désespoir
- Un héritage littéraire (L’amour courtois, Roméo et Juliette)
2. Dissertation (20 points)
Objet d’étude : La poésie du XIXe siècle au XXle siècle
Dissertation :
Commentaire : Cette question permet de rejoindre facilement les problématiques soulevées par le parcours associé : « émancipations créatrices. » Elle permettait de développer une réflexion tant sur le plan thématique de l’éloignement et de l’émancipation que sur l’écriture libérée ou non des conventions.
SUJET A
Œuvre : Rimbaud, Cahier de Douai, de « Première soirée » à « Ma Bohème (Fantaisie) » Parcours : émancipations créatrices
Voici une suggestion de plan :
A. Un éloignement spirituel et esthétique
- Le vagabondage et l’errance
- La fuite du monde contemporain au profit de la nature
- Une esthétique qui s’éloigne de l’héritage littéraire par son prosaïsme
B. Cependant une réinscription dans le monde
- La valorisation du quotidien et du banal
- Une poésie engagée qui soulève des enjeux contemporains
- Des références communes (histoire et mythes)
C. Un retour vers soi
- Partir de soi, de ses expériences pour atteindre l’universel
- Un jeu esthétique entre tradition et langage personnel pour créer une poésie nouvelle.
SUJET B
Ponge, La Rage de l’expression
La question proposée : Selon un critique, La rage de l’expression donne à voir l’écriture en plein travail et se regardant travailler. » Cette citation éclaire-t-elle votre lecture de l’œuvre ? Il était possible de répondre à cette question de manière dialectique ou thématique.
A. Certes, La Rage de l’expression est un recueil qui exhibe son processus de création
- Une nouvelle construction poétique
- L’entrée dans l’intériorité du poète et dans son cheminement poétique
- Les corrections et les versions successives apparentes
B. Ponge met surtout l’accent sur le travail du langage
- Des poèmes – définitions
- Une réflexion partagée sur le langage
- Un jeu métalinguistique
C. C’est plutôt le lecteur qui fonde par son regard la construction poétique
- La réhabilitation de l’importance du lecteur
- La construction de connaissances communes
- Une complicité entre le poète et le lecteur
SUJET C
Hélène Dorion, Mes forêts
La question proposée : « Dans Mes forêts, Hélène Dorion écrit : « mes forêts racontent une histoire ». En quoi cette citation éclaire-t-elle votre lecture de l’œuvre ? On peut ici opposer les dimensions lyriques et narratives de la poésie. Dans quelle mesure la poésie d’Hélène Dorion est-elle narrative ?
A. Certes Mes Forêts racontent l’histoire du monde
- En faisant référence à l’évolution naturelle
- En rappelant sans cesse l’âge des arbres, en faisant des liens avec le temps géologique
- En racontant une histoire sur notre monde
B. Cependant, le recueil Mes forêts propose d’abord une introspection, une pause lyrique
- Des sentiments variés : angoisse et espérance
- Une composition non linéaire
- Dorion récuse le nom de recueil mais préfère « livre de poèmes » pour souligner son travail de composition
C. Un cheminement personnel, une exploration de cet espace intérieur que sont « ses » forêts
- Importance du thème du voyage, de l’exploration
- Une quête vers soi
- Se retrouver dans la nature pour se retrouver soi-mêmeLe candidat traite au choix, compte tenu de l’œuvre et du parcours étudiés durant l’année, l’un des trois sujets suivants :
Corrigé du bac français – séries techno (à venir)
1. Commentaire
Le sujet donné repose sur un extrait de Wajdi Mouawad, auteur contemporain qui s’illustre dans de multiples genres, souvent connue par les élèves pour son théâtre, plus précisément pour sa tragédie Incendies, le Sang des promesses.
Le sujet pouvait donc dérouter les candidats puisqu’il s’agit d’un extrait de roman et non de théâtre, comme l’indique l’objet d’étude choisi « le roman et le récit du Moyen-Âge au XXème siècle ». Mais le style d’écriture, contemporain et poétique, agréable à lire et facile à comprendre, a pu rassurer les candidats en bac technologique.
Il s’agissait de construire un commentaire à l’aide des deux axes proposés : un monde dangereux puis un récit surprenant. Ainsi, ces deux propositions amenaient les candidats à porter attention à la dimension tragique et épique de l’extrait mais aussi, par le deuxième axe, à particulièrement veiller au point de vue adopté, comme l’indiquait le paratexte : celui d’un animal, d’une grue. Ce décentrement anthropologique semble d’ailleurs inscrire le sujet dans des préoccupations contemporaines et actuelles autour de l’écologie, du spécisme et de l’attention au monde vivant.
Ainsi, voici une proposition de plan (il convient de rappeler ici que ce n’est pas le seul plan possible et que les élèves seront évalués sur la cohérence et la précision de leur analyse et l’organisation des idées), qui s’organiserait autour de la problématique suivante : Comment cet extrait, particulièrement épique et poétique, dénonce t-il le mépris de l’homme envers la nature ?
I- Un monde dangereux
A) une tempête redoutable
Les candidats pouvaient porter attention à la description de la tempête et percevoir la construction en crescendo de l’extrait ; qui débute par « le souffle glacial » et se conclut par « les gifles de la tempête ». Les nombreux adverbes et connecteurs logiques renforcent cette construction en crescendo qui va de la menace de l’orage au déchaînement de la tempête.
De nombreuses hyperboles telles que « le souffle glacial », « l’air s’engouffrait dans nos gueules ouvertes et déchirait nos joues », ponctuent le texte pour accentuer le caractère violent, imprévisible et meurtrier de l’orage.
On pouvait aussi être attentif aux personnifications et aux métaphores qui rendent la tempête monstrueuse et tragique.
B) une lutte terrible entre l’animal et les éléments
Dans cette deuxième sous-partie, l’on pouvait explorer la dimension épique du passage, en s’intéressant à la lutte entre le protagoniste (qui s’avère être une grue comme l’énonce la fin de l’extrait) et la tempête.
Le récit met en scène le combat entre la nuée et les éléments, par un ensemble de verbes qui dramatisent cette lutte. On pourrait également remarquer les nombreuses énumérations qui donnent à voir cette lutte acharnée.
Le combat s’avère particulièrement féroce et virulent, comme l’indiquent les énumérations et les hyperboles qui font des grues, des êtres de papier démembrés, détruites, écrasées par la tempête.
Le point de vue interne, immersif, renforce la violence de cette lutte.
II- Un récit surprenant
A) une chute tragique
Les axes proposés amenaient les candidats à porter attention à la structure en chute de l’extrait : la grue, après une lutte acharnée et de nombreux congénères morts, semble avoir gagné le combat mais se fait écrasée, tuée par une paroi vitrée. Cette fin tragique se présente comme soudaine et inattendue, par des effets d’attente pour comprendre la mort du protagoniste et la cause de cette mort, grâce à des périphrases telles que « un mur en mouvement » et « monstre métallique ». La mort de la grue est présentée comme une agonie insupportable.
B) l’harmonie de la Nature altérée par l’homme
Dans cette dernière partie, l’on pourrait s’attarder sur le style poétique du passage employé pour décrire le combat : les grues, par un ensemble de métaphores et de personnifications, deviennent des êtres sages et avertis, fins connaisseurs de la nature et qui, par l’expérience de « la plus âgée », savent lire le monde qui les entoure. L’agilité et la grâce de ces oiseaux se révèlent par le combat avec les éléments.
La tempête, bien que redoutable, est métaphorisée en un élément majestueux, grandiose : la blancheur et la pureté sont mises en avant. Le combat s’apparente alors à une danse cruelle.
Or, le deuxième paragraphe clôt le passage dans un ensemble de métaphores et en antithèse avec celles employées plus tôt : c’est la noirceur, l’obscurité et la lourdeur qui ressortent de ces dernières phrases. Et le seul passage dialogué, qui rapporte les paroles de l’homme, s’avère prosaïque et absurde.
C’est bien cette symbolique antithétique, accentuée par le style poétique de Wajdi Mouawad, qui amène le lecteur à saisir la portée dénonciatrice du passage : dénoncer les agissements de l’homme qui nuisent à l’harmonie de la nature.
2. Essai
Sujet A : Rabelais Gargantua
Texte : Manon Paulic, Le défi de l’éducation
Les idées qui devaient être trouvées dans cet extrait :
- L’arrivée de CHATGPT perturbe considérablement le domaine de l’éducation car cela amène les enseignants à reconsidérer leurs pratiques, notamment celle de la correction.
- Des moyens de lutte contre la tricherie rendue facile et possible par cette IA sont mises en place et expérimentées au quatre coins du monde mais s’avèrent inefficaces et à l’encontre de la nécessité de maîtriser les outils numériques.
- Il est donc nécessaire d’introduire les intelligences artificielles dans les pratiques enseignantes, d’amener les élèves à les utiliser sciemment et avec éthique.
- Cette introduction pourrait révolutionner positivement l’enseignement et développer chez les élèves, étudiants, de nouvelles capacités cognitives pour mieux affronter le monde actuel. Mais cette introduction ne va pas sans risque et sans dérives.
Essai : Une bonne éducation peut-elle se passer d’emmagasiner des connaissances ?
Les candidats pouvaient s’appuyer sur l’étude de Gargantua (Rabelais) pour répondre à cette question et construire leur réflexion autour des arguments suivants :
- les connaissances sont nécessaires au développement d’un esprit critique, à la conscience de valeurs et de principes nécessaires pour l’épanouissement personnel mais aussi pour s’inscrire dans la société.
- Mais la méthode de l’apprentissage, celle de l’emmagasinement est à interroger :
Ce terme renvoie à l’apprentissage par le « par cœur » ainsi qu’à la méthode de « l’oie gavée » (apprendre beaucoup en peu de temps). Cette méthode semble efficace pour acquérir des automatismes et est souvent mise en place dans les pratiques scolaires, dès le plus jeune âge. La répétition est également une méthode sur laquelle se fonde l’éducation à la maison : utile, efficace pour acquérir des automatismes, des réflexes de politesse par exemple.
Or, emmagasiner peut également supposer apprendre sans comprendre, ce que dénonce les humanistes dont Rabelais : apprendre ainsi c’est apprendre superficiellement. L’apprentissage efficace et propre au développement personnel nécessite du temps, de la compréhension et de la réflexion : c’est la métaphore du miel, de la digestion présente dans les œuvres de Rabelais.
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