L’imam se défend en pointant un simple « lapsus », mais les autorités, elles, sont loin d’être convaincues. Invité ce mardi matin sur Franceinfole préfet du Gard Jérôme Bonet a justifié son signalement auprès du parquet de Nîmes vendredi dernier, qui a ouvert une enquête préliminaire pour apologie du terrorisme sur des propos de l’imam Mahjoub Mahjoubi. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a demandé en parallèle lundi le retrait du titre de séjour du religieux tunisien du Gard en vue de son expulsion, en raison d’« appels à la haine ». Au-delà d’un extrait vidéo qui a été pointé du doigt, il fait l’objet d’un « suivi qui date de plusieurs mois », a insisté le préfet, qui a souligné une « dérive consacrée par plusieurs prêches récents », qui lui apparaissent comme des « infractions ».
Dans une première vidéo relayée sur les réseaux sociaux, l’imam de Bagnols-sur-Cèze qualifie notamment le « drapeau tricolore » de « drapeau satanique » qui n’a « aucune valeur auprès d’Allah ». Il s’est depuis expliqué dans plusieurs médias, notamment auprès de France Bleu : il a assuré avoir fait un « lapsus », disant avoir voulu désigner « tous ces drapeaux qu’on lève dans les stades » lors de la Coupe d’Afrique des nations de football et « qui divisent les musulmans ». Il a expliqué avoir voulu parler de « drapeaux multicolores ou de différentes couleurs », et d’avoir évoqué le drapeau « tricolore » par erreur « dans la prononciation ».
« Un lapsus qui dure plusieurs dizaines de minutes »
Des arguments loin de convaincre Jérôme Bonet, selon qui il y a « bien évidemment » appel à la haine, et qui souligne que l’extrait en question ne s’arrête pas aux propos sur les « drapeaux tricolores ». « C’est un lapsus qui dure plusieurs dizaines de minutes, qui ne touche pas qu’à la question du drapeau mais qui tient aussi à la place de la femme, qui désigne le peuple juif comme un ennemi », a-t-il appuyé, autant de « contenus qui remettent fondamentalement en cause nos valeurs et qui tombent sous le coup de la loi » selon lui.
Le préfet du Gard a aussi souligné que cet extrait n’est pas le seul mis en cause par les autorités, mais que l’imam fait l’objet d’un « un suivi qui date de plusieurs mois, un suivi organisé, celui des personnes radicalisées ou des lieux de culte qui posent problème ». Il a ainsi pointé une « dérive consacrée par plusieurs prêches récents », publiés en février, qui comportaient « plusieurs passages très problématiques, qui tombent sous le coup de la loi à mon sens ». « Plusieurs dizaines de minutes de prêche, analysées par des services spécialisés, recèlent bien d’autres choses que ce pseudo-lapsus », a-t-il martelé.
Il a par ailleurs indiqué avoir ordonné « dès novembre » la fermeture de « l’accueil collectif de mineurs », une école où un enseignement du Coran était dispensé et qui était adossée à la mosquée de Bagnols-sur-Cèze, « pour des raisons qui tiennent notamment à des modalités d’accueil des mineurs », « qui ne répondent pas à la réglementation ». Les enfants n’étaient en effet « pas encadrés par des majeurs diplômés, qui devraient en théorie déposer des projets pédagogiques et ce n’était pas le cas », a-t-il expliqué.
Le préfet a ajouté que les services de Gérald Darmanin suivaient le cas spécifique de l’imam du Gard « depuis plusieurs semaines » : « Il y a le volet du droit au séjour, qui fait l’objet comme l’a souhaité le ministre de l’Intérieur d’une instruction pour voir les modalités selon lesquelles nous pourrons le cas échéant retirer le titre de séjour de cette personne », une demande qui est « le fruit d’un travail scrupuleux », a-t-il aussi expliqué. « C’est ce que permet la nouvelle loi immigration. Doit-on conserver sur notre territoire des gens qui tiennent des propos qui contestent à ce point nos valeurs ? », a-t-il conclu, évoquant toutefois « des voies de recours ».
« Présenté comme l’ennemi public numéro un »
Invité sur BFMTV ce mardi matin, l’avocat de Mahjoub Mahjoubi, Me Samir Hamroun, a défendu que l’imam « n’a pas une maîtrise parfaite de la langue française » et répété qu’il n’avait pas voulu « porter atteinte au drapeau tricolore et aux valeurs républicaines » dans l’extrait du prêche incriminé, voyant plutôt dans ces dénonciations une « manœuvre politique ». « Monsieur Mahjoubi est présenté comme l’ennemi public numéro un, comme s’il faisant partir d’une organisation terroriste », a-t-il accusé.
Quant à l’enquête préliminaire ouverte, « nous allons être entendus par des officiers de police judiciaire, des enquêteurs qui auront eux vu en détail les vidéos et qui verront qu’il n’y a aucune apologie du terrorisme », a-t-il aussi assuré auprès de RMC.