L’ex-dictateur guinéen Moussa Dadis Camara a été repris et renvoyé en prison samedi, quelques heures après une évasion apparente menée par un commando lourdement armé, ont indiqué l’armée et son avocat.
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Au moins deux autres anciens responsables jugé aux côtés de Camara pour le massacre de 2009 pendant sa présidence ont été prises lors de l’opération précédente qui a déclenché des tirs nourris dans la capitale Conakryont déclaré un ministre et des avocats.
“Capitaine Moussa Dadis Camara a été retrouvé sain et sauf et ramené en prison”, a déclaré à l’AFP un porte-parole de l’armée, sans préciser les circonstances de sa capture.
L’un des avocats de Camara, Jocamey Haba, a déclaré à l’AFP que son client était de nouveau derrière les barreaux.
Le ministre de la Justice, Alphonse Charles Wright, avait déclaré plus tôt que vers 05h00 GMT, “des hommes lourdement armés” avaient fait irruption dans la prison et “avaient réussi à repartir avec quatre (prisonniers)… notamment le capitaine Moussa Dadis Camara”.
Il a déclaré que les frontières avaient été fermées.
Il n’était pas clair si Camara s’était échappé de son plein gré.
L’armée a décrit l’opération comme une tentative de « saboter » les réformes gouvernementales et a juré son « engagement sans faille » envers les autorités militaires actuelles.
De source judiciaire, s’exprimant sous couvert d’anonymat, a indiqué que les militaires masqués et lourdement armés arrivés à la prison centrale de Conakry ont déclaré qu’ils “étaient venus libérer” Camara.
A l’intérieur, le groupe s’est dirigé vers sa cellule, semblant déjà connaître son emplacement, a indiqué la source.
Haba a déclaré à l’AFP qu’il pensait que son client avait été “kidnappé” et que sa vie était “en danger”.
“Il a confiance dans la justice de son pays, c’est pourquoi il ne tentera jamais de s’enfuir”, a-t-il ajouté, faisant référence au procès en cours contre Camara.
Wright a également déclaré que le colonel Moussa Tiegboro Camara – un autre des hommes sortis de prison – avait depuis été « repris ».
L’avocat de Tiegboro Camara a déclaré qu’il avait échappé à ceux qu’il a décrit comme ses « ravisseurs ».
La ville est « scellée »
Plusieurs sites d’information guinéens ont rapidement rapporté que les événements de samedi ne constituaient pas un nouveau putsch, mais qu’un commando lourdement armé avait attaqué la prison centrale.
Des coups de feu ont été entendus avant l’aube à Kaloum, un quartier central qui abrite la présidence, plusieurs hauts bureaux du gouvernement et de l’administration, le quartier général militaire et la prison principale.
Un témoin, s’exprimant sous couvert d’anonymat, a déclaré qu’il y avait eu des coups de feu dans le quartier central.
“Le centre-ville est bouclé depuis l’aube, on ne peut ni entrer, ni sortir”, a ajouté un commerçant, s’exprimant également sous couvert d’anonymat.
“Je voulais me rendre dans la zone portuaire où je travaille mais on m’a empêché de quitter (Kaloum), où des véhicules blindés ont été déployés.”
Une source aéroportuaire a indiqué qu’aucun vol n’avait décollé de l’aéroport international de Conakry samedi matin, le personnel du trafic aérien ne pouvant pas se rendre à l’aéroport depuis Kaloum, où ils passent souvent la nuit.
La Guinée, un pays d’Afrique de l’Ouest d’environ 14 millions d’habitants, est dirigée par une junte depuis que Doumbouya a pris d’assaut le palais présidentiel avec des soldats et a renversé le président civil Alpha Condé en septembre 2021.
« Boussole » de la justice
Dadis Camara est détenu depuis son procès en septembre 2022.
Lui et une dizaine d’autres anciens militaires et responsables gouvernementaux sont accusé pour un massacre en 2009 menée par les forces de sécurité fidèles au chef de la junte de l’époque.
Le meurtre de 156 personnes et le viol d’au moins 109 femmes ont commencé lors d’un rassemblement politique dans un stade de Conakry le 28 septembre 2009 et se sont poursuivis dans les jours qui ont suivi, selon une enquête mandatée par l’ONU.
Camara — lui-même arrivé au pouvoir lors d’un coup d’État en décembre 2008 — et ses coaccusés sont inculpés avec meurtre, violence sexuelle, torture, enlèvement et séquestration.
Ils risquent la prison à vie s’ils sont reconnus coupables.
Ce procès est sans précédent dans un pays dirigé depuis des décennies par des régimes autoritaires, où la population s’était habituée à l’impunité des forces de sécurité, selon la commission d’enquête internationale sur le massacre.
Il a ouvert ses portes en septembre dernier sous l’impulsion de Doumbouya, qui a promis de reconstruire l’Etat guinéen et de faire de la justice sa « boussole ».
Sous la pression internationale, Doumbouya s’est engagé à remettre le pouvoir à des civils élus dans un délai de deux ans à compter de janvier 2023.
Les Forces Vives de Guinée, un collectif de partis et d’organisations d’opposition, ont depuis dénoncé des engagements non tenus et une dérive autoritaire, qualifiant la junte de « dictature émergente ».
(AFP)