Sur les photos d’elle qui datent de plus d’un demi-siècle, Leslie Van Houten apparaît un sourire posé sur son visage encadré par des cheveux noir fillasse, le menton haut, l’expression arrogante d’une gamine fière de sa bêtise. Sur son front a été gravée une croix, symbole de son appartenance à la famille Manson, ce groupe sectaire mené par le tueur en série Charles Manson à la fin des années 1960. À l’époque, Leslie Van Houten a une petite vingtaine d’années. La justice qui la considère alors comme un « danger excessif pour la société », vient de la condamner à mort, tout comme d’autres membres de la secte. Mais leurs peines ont été commuées à une sentence de prison à vie en 1972, à la faveur de l’abolition de la peine de mort en Californie.
Toujours derrière les barreaux depuis, Leslie Van Houten, aujourd’hui âgée de 73 ans, vient d’obtenir sa libération sur parole. Dans une décision rendue fin juin, selon CNNla cour d’appel de Californie considère que l’ancienne tueuse « a fait d’extraordinaires efforts de réhabilitation » et a présenté « un plan réaliste de libération conditionnelle, le soutien de sa famille et de ses amis et des rapports institutionnels favorables ».
Les juges soulignent aussi le passé chaotique de la jeune femme qui a tout juste 19 ans lorsqu’elle rencontre Charles Manson. Divorce des parents, avortement forcé par sa mère… La jeune femme, qui grandit dans le sud de la Californie en plein « flower Power », commence à abuser très jeune de drogues hallucinogènes.
En recherche d’équilibre spirituel, l’adolescente se rapproche du Spahn Ranch. Cette propriété connue pour ses tournages de films qu’elle accueille est devenue depuis quelque temps le camp de base d’une étrange « famille » rassemblée autour d’un homme, Charles Manson, qui se revendique comme une réincarnation du Christ. Ses disciples ? Tout comme Leslie Van Houten, des jeunes désœuvrés, en quête de sens à leur vie… Et qui finiront par tomber dans une dérive meurtrière. « Manson dominait et manipulait les membres de la Famille. Avec l’isolement, la dépendance, la peur, les drogues, le sexe et l’endoctrinement, les membres étaient convaincus par les fantasmes et objectifs apocalyptiques de Manson », écrivent les juges.
Le soir du 9 août 1969, Charles Manson, Charles « Tex » Watson et trois autres disciples rentrent au Spahn Ranch éclaboussés de sang. Ils content aux autres membres de la famille leur nuit d’horreur : comment ils se sont introduits dans la villa de l’actrice Sharon Tate et de son mari Roman Polanski, absent pour un tournage en Europe. Comment ils ont massacré au couteau les cinq occupants au couteau, écrivant avec un doigt trempé dans le sang de Sharon Tate le mot « pig » ( « cochon ») à l’entrée de la maison. Objectif ? « Précipiter la guerre raciale » en tuant des blancs pour « que les noirs soient blâmés », estime la justice.
Elle se sentait « exclue » de la bande de Charles Manson
Leslie Van Houten n’a pas participé à l’équipée meurtrière mais elle regarde Charles Manson avec admiration lorsqu’il en fait le récit à ses compagnons. La jeune femme dira même s’être sentie « exclue » de la bande et avoir dit au gourou vouloir « en être la prochaine fois ».
La « prochaine fois », c’est la nuit suivante. Le 10 août, Leslie Van Houten accompagne en voiture Manson et les autres auteurs des assassinats de la veille. Les tueurs tournent dans les rues de Los Angeles « sélectionnant et rejetant d’éventuelles victimes ». Jusqu’à ce que Manson jette son dévolu sur le 3301 Waverly Drive à Los Feliz. La demeure appartient à Leno La Bianca, patron d’une chaîne de supermarché et à Rosemary, son épouse.
Devant la maison Charles Manson ordonne aux femmes d’entrer. Face aux enquêteurs, Leslie Van Houten dira avoir été heureuse d’obéir car elle était « complètement » engagée auprès de Manson « et sa cause ». Elle dira : « Je devais tuer (les La Bianca) pour le début de la révolution ».
C’est elle qui pose une taie d’oreiller sur la tête de Rosemary La Bianca, 44 ans, qui lui enroule un cordon de lampe autour du cou, elle qui la plaque sur le lit tandis qu’une autre disciple la poignarde violemment dans la clavicule. Elle qui appelle « Tex » Watson pour qu’il vienne dans la chambre et porte huit coups de couteau à la mère de famille. Elle qui se décidera finalement à achever sa victime en la poignardant « entre 14 et 16 fois ». Elle encore qui effacera les empreintes digitales des armes du crime tandis que ses complices écrivent des mots en lettres de sang sur les murs de la maison.
Le gouverneur ne s’oppose plus à sa libération
Le couple sera découvert le lendemain matin par le fils des La Blanca. Leno est trouvé un couteau planté dans le coup, une fourchette dans l’estomac. Le mot « guerre » a été gravé sur son ventre.
Depuis sa condamnation en 1971, Leslie Van Houten n’a pas quitté sa prison, malgré ses demandes répétées de libération conditionnelle. Le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, et son prédécesseur s’y sont en effet opposés à plusieurs reprises. Cette fois, Newsom s’est dit « déçu » mais a affirmé qu’il ne s’opposerait pas à la décision de la cour d’appel de Californie.
Leslie Van Houten est « ravie » de l’annonce, confie Nancy Tetreault, son avocate à CNN. Selon elle, la cour d’appel a reconnu « sa réhabilitation, son travail acharné pour réformer sa pensée, la compréhension des facteurs qui l’ont amenée à être influencée par Manson… »
On ne sait pas précisément ce que fera la septuagénaire à sa sortie de prison. « Elle est en prison depuis 53 ans, rappelle Me Nancy Tetreault. Elle a juste besoin d’apprendre à utiliser un distributeur de billets, un téléphone ou un ordinateur. » Selon la Commission des libérations conditionnelles, elle a déclaré avoir prévu de vivre dans un foyer de réinsertion dirigé par un ancien employé de sa prison.
Le gourou de la famille Manson est décédé en 2017 après plus de 40 ans de prison. À sa mort, Charles Manson, portait toujours sur le front cette croix, muée en croix gammée, qu’il avait gravée lors de sa condamnation, se disant alors rayé de la société.