La peine maximale a été à nouveau requise contre Jean-Marc Reiser, accusé d’avoir assassiné en 2018 la jeune étudiante Sophie Le Tance mercredi devant la cour d’assises du Haut-Rhin. Jean-Marc Reiser, 62 ans, avait écopé de la perpétuité assortie de 22 ans de sûreté en première instance.
Cette étudiante avait disparu le 7 septembre 2018, jour de son vingtième anniversaire dans la banlieue de Strasbourg. Son corps démembré avait finalement été découvert dans une forêt un an plus tard, en octobre 2019. Après avoir nié toute implication dans sa mort, Reiser avait reconnu en janvier 2021 avoir commis des violences sur l’étudiante ayant entraîné sa mort mais sans avoir eu l’intention de la tuer. Les enquêteurs le soupçonnent d’avoir attiré la jeune femme en publiant une fausse annonce d’appartement à louer sur Leboncoin.
« Mon intime conviction, étayée par les éléments du dossier, c’est qu’il y a bien eu intention homicide et préméditation », a soutenu l’avocat général, Jean-Luc Jaeg. Pendant deux heures et demie, le magistrat a battu en brèche la thèse de coups ayant entraîné la mort sans intention de la donner, soutenue par la défense, pour démontrer de manière rigoureuse « l’intention criminelle » de l’accusé.
« Ce dossier me rappelle Le loup et l’agneau »
« Ce dossier me rappelle le titre d’une fable de Jean de la Fontaine, Le loup et l’agneau », a exposé Jean-Luc Jaeg au début de sa plaidoirie. « L’agneau, c’est Sophie Le Tan », a-t-il poursuivi, décrivant une « fille méritante », « gentille, bienveillante, fidèle », qui avait « tout l’avenir » devant elle.
« Quant au loup, c’est Jean-Marc Reiser. Quand les enquêteurs l’ont identifié, on devine qu’un frisson d’horreur les a traversés », imagine-t-il, avant de détailler le lourd casier judiciaire de l’accusé, « criminel récidiviste ayant une appétence pour les produits stupéfiants », et de rappeler sa précédente condamnation par une cour d’assises, en 2003, pour viols et agressions sexuelles.
Dans ses rapports avec les femmes, Jean-Marc Reiser a toujours été « un homme violent, dominateur, harceleur » voire « tyrannique », a soutenu l’avocat général, évoquant les témoignages des ex-compagnes qui se sont succédé à la barre.
Le magistrat a démonté le projet de voyage de l’accuséqui lui fournirait un motif pour sous-louer son appartement, soutenu par « aucun élément concret » selon lui. Au contraire, les petites annonces postées sous de faux noms sur le site Leboncoin n’avaient aucun autre but que d’attirer dans l’appartement une étudiante, « avec l’intention qu’on ne puisse pas remonter jusqu’à lui ».
Jean-Marc Reiser fixe ainsi « 11 rendez-vous » successifs à des locataires potentielles, à une adresse imprécise, à proximité de son immeuble. Les dix premiers rendez-vous ne seront pas honorés, parfois du fait des étudiants, souvent à cause de l’accusé, qui, le moment venu, ne répond plus aux sollicitations.
« Mais pour Sophie Le Tan, ça a matché », a lancé Jean-Luc Jaeg. « Elle avait une double qualité. Elle était seule, et elle était asiatique », a-t-il souligné, en référence aux « attirances » de l’accusé. « C’est pour lui la proie rêvée, c’est elle qu’il va faire monter dans l’appartement ».
« Le loup a sacrifié l’agneau »
Pour l’avocat général, Jean-Marc Reiser, après avoir « assouvi un fantasme tordu ou pervers » sur la jeune étudiante de 20 ans, ne pouvait se permettre de la laisser repartir, après avoir pris « un tel luxe de précautions » à ne pas laisser de traces pour l’attirer dans un « piège ». Alors, « le loup a sacrifié l’agneau ».
À l’issue de l’exposé précis et argumenté, le magistrat ne s’est pas attardé particulièrement sur le démembrement du corps, « particularité horrible », ou sur le « nettoyage extrêmement approfondi » de l’appartement, si ce n’est pour estimer que cela renforçait le caractère prémédité du crime, commis par un « tueur froid, organisé ».
« Je vous demanderai donc de déclarer Jean-Marc Reiser coupable d’assassinat, en récidive légale », a-t-il conclu requérant la réclusion criminelle à perpétuité tout en prenant soin de souligner « l’absence totale de remords » de l’accusé », sa « dangerosité » et le « risque de récidive » pour l’homme qui fait face depuis 10 jours à Colmar à sa sixième cour d’assises. « La peine prononcée en première instance », la perpétuité avec une période de sûreté de 22 ansétait « lourde, mais justifiée », selon lui.
Le magistrat a terminé par une remarque plus personnelle : Ce procès d’appel « n’aura servi à rien ou pas grand-chose, si ce n’est prolonger ou raviver la souffrance de la famille Le Tan ».