Le gouvernement soudanais a déclaré l’envoyé des Nations unies Volker Perthes “persona non grata”, deux semaines après que le chef de l’armée l’a accusé d’attiser la guerre civile dans le pays et a cherché à le faire démettre de ses fonctions.
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Depuis la fin de l’année dernière, Perthes et la mission de l’ONU qu’il dirige au Soudan déchiré par la guerre ont été la cible de manifestations soutenues par l’armée et les islamistes dénonçant une ingérence étrangère perçue.
Dans une lettre adressée à l’ONU le mois dernier, le chef de facto du Soudan, le général Abdel Fattah al-Burhan, a accusé l’envoyé d’avoir exacerbé les combats entre son armée et les Forces de soutien rapide (RSF) paramilitaires dirigées par le commandant Mohamed Hamdan Daglo.
UN chief Antonio Guterres a défendu à plusieurs reprises Perthes, qui a suscité la colère après avoir critiqué les deux dirigeants des parties belligérantes du Soudan alors que le conflit de deux mois échappe aux efforts visant à négocier un cessez-le-feu humanitaire.
“Le gouvernement de la République du Soudan a notifié au secrétaire général des Nations unies qu’il a déclaré M. Volker Perthes… persona non grata à compter d’aujourd’hui”, a déclaré jeudi le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.
Perthes était à Addis-Abeba, en Éthiopie, jeudi pour une série de pourparlers diplomatiques, selon le fil Twitter de la mission de l’ONU.
La semaine dernière, la précarité du statut de l’ONU au Soudan a été mise en évidence lorsque le Conseil de sécurité a voté pour prolonger la Mission intégrée d’assistance à la transition des Nations Unies au Soudan (UNITAMS) pour seulement six mois.
Créé en juin 2020 pour soutenir la transition démocratique du Soudan après la chute du dirigeant islamo-militaire Omar el-Béchir un an plus tôt, le mandat de l’UNITAMS avait auparavant été renouvelé chaque année pour un an.
La voie bégayante du Soudan vers un régime civil a été perturbée en 2021 lorsque Burhan et Daglo ont pris ensemble le pouvoir lors d’un coup d’État avant de se brouiller.
Crise humanitaire en spirale
Depuis avril, les combats entre l’armée et les RSF se sont emparés de Khartoum et de la région occidentale du Darfour, défiant une série de trêves.
Plus de 1 800 personnes ont été tuées, selon l’Armed Conflict Location and Event Data Project, et l’ONU affirme que 1,2 million ont été déplacées, dont plus de 425 000 ont fui à l’étranger.
Ceux qui n’ont pas pu partir ont été contraints de camper pendant des semaines car les réserves de nourriture et d’autres biens vitaux se sont épuisées.
Des quartiers entiers de Khartoum n’ont plus l’eau courante, l’électricité n’est disponible que quelques heures par semaine et les trois quarts des hôpitaux des zones de combat ne fonctionnent pas.
La trêve la plus récente a été convenue pour permettre l’aide humanitaire désespérément nécessaire dans les régions du Soudan ravagées par les combats, mais comme toutes celles qui ont précédé, l’accord a été régulièrement violé par les deux parties.
L’ONU estime qu’environ 25 millions de personnes – plus de la moitié de la population soudanaise – ont maintenant besoin d’aide et de protection dans ce qui était déjà l’un des pays les plus pauvres du monde avant le conflit.
Perthes, un ancien universitaire qui dirige la mission au Soudan depuis 2021, a fermement défendu l’ONU contre les accusations d’attiser le conflit, affirmant que les responsables sont “les deux généraux en guerre”.
Dans sa lettre à Guterres, Burhan a accusé Perthes de partialité et de ne pas respecter la “souveraineté nationale”.
Il a déclaré que Perthes présentait une image trompeuse “de consensus” dans ses rapports à l’ONU, et “sans ces signes d’encouragement, le chef rebelle Daglo n’aurait pas lancé ses opérations militaires”.
Il n’a jamais été possible de vérifier qui a tiré les premiers coups de feu de la guerre.
L’adjoint devenu rival
Daglo, un chef de milice ambitieux armé à l’origine par Bashir pour écraser les rebelles au Darfour, était le commandant en second de Burhan avant que les deux ne se disputent.
Les chaînes de télévision islamistes et pro-Bashir en exil accusent désormais Burhan de laisser trop de latitude à Daglo, tandis que des voix pro-démocratie accusent Burhan d’être un cheval de Troie pour les islamistes du régime de Bashir.
Plusieurs hauts fonctionnaires de l’ère Bashir ont trouvé des rôles dans l’administration de Burhan depuis le coup d’État.
Burhan a officiellement limogé Daglo en tant que son adjoint au sein du Conseil souverain au pouvoir le mois dernier, le remplaçant par l’ancien chef rebelle Malik Agar.
Avec l’intensification des combats, l’armée cherche désormais aussi à renforcer ses rangs, faisant appel aux “retraités de l’armée” et aux réservistes pour se diriger vers les unités de commandement.
(AFP)