Si l’État est le seul à disposer de la force légitime, son usage « n’est naturellement pas, dans une démocratie, absolu mais encadré et conditionné par la loi ». C’est ce qu’a tenu à rappeler le procureur de la République de Rennes, Philippe Astruc, en préambule de sa conférence de presse ce mardi après-midi. En tant que juridiction spécialisée en matière militaire, c’est en effet le parquet de la capitale bretonne qui est désormais en charge des enquêtes concernant les blessures graves subies par quatre manifestants le 25 mars lors des événements de Sainte-Soline (Deux-Sèvres), où la manifestation contre les mégabassines avait dégénéré en violents affrontements.
Le premier blessé grave, né en 1990, souffre d’un traumatisme crânien grave et son pronostic vital est toujours engagé. Alors que le journal Libération parle d’une blessure vraisemblablement liée à une grenade lacrymogène, il ne s’agit aujourd’hui que d’une « hypothèse de travail », selon le procureur. La seconde victime, née en 1988, est sortie du coma. Lors de son hospitalisation, un objet artisanal « se présentant sous la forme d’un artifice » a été retrouvé sur elle. Il va être expertisé. Leurs familles ont déposé plainte pour tentative de meurtre.
VIDÉO. Sainte-Soline : deux nouvelles plaintes et un appel à témoins des violences, annonce le procureur
La troisième victime, née en 1995, risque une mutilation permanente au niveau du pied. Selon le médecin légiste, cette blessure pourrait être compatible avec l’usage d’une grenade de désencerclement. Elle a porté plainte mardi matin pour violences volontaires. La quatrième victime identifiée est une jeune femme née en 2003, « qui a fêté ses 20 ans sur son lit de souffrance », précise Philippe Astruc. Cette dernière souffre d’un « polytraumatisme facial très important » et n’est pas en état de parler car sa mâchoire a été rigidifiée par les médecins.
Selon le procureur, ces quatre personnes n’ont « pas ou peu d’antécédents judiciaires ». Le parquet a confié les investigations à huit enquêteurs de l’IGGN (Inspection générale de la gendarmerie nationale) qui lui rendent compte quotidiennement. Les qualifications retenues à ce stade — violences par personne dépositaire de l’autorité publique et non-assistance à personne en danger — pourront « naturellement évoluer en fonction des éléments recueillis ou de l’état de santé des victimes ».
Plus de 300 vidéos collectées
Afin de faire la lumière sur l’origine des blessures et le lieu où se trouvaient les victimes au moment des faits, les enquêteurs ont saisi les enregistrements téléphoniques des secours et les communications radio. Ils vont aussi recueillir un maximum de vidéos, en commençant par celles de la gendarmerie mais aussi celles disponibles en ligne ou réalisées par des témoins. Si, à ce stade, plus de 300 vidéos ont déjà été collectées, Philippe Astruc lance un appel à témoins pour recueillir de nouveaux témoignages. Il invite ceux disposant de vidéos ou photographies à en communiquer une copie à l’adresse suivante : iggn.saintesoline@gendarmerie.interieur.gouv.fr.
Des analyses médico-légales, chimiques et balistiques vont par ailleurs être confiées à des experts indépendants et reconnus. « Une fois que l’origine des blessures sera connue, il conviendra de préciser le lien de causalité éventuelle entre celles-ci et l’action de la gendarmerie nationale », ajoute Philippe Astruc, qui a demandé que l’ensemble des chefs des unités présentes sur place soient entendus. Les investigations, qui prendront plusieurs semaines, doivent aussi « éclairer les modalités de la prise en charge sanitaire ». Le résultat, lui, ne sera pas connu avant quelques mois.
« Aucune responsabilité ne sera ni éludée, ni bradée », assure le procureur, rappelant que le parquet a déjà mené des procédures comparables, notamment après la rave-party de Redon, en juin 2021, durant laquelle un participant avait eu une main arrachée. Après neuf mois d’enquête, les deux plaintes déposées avaient été classées sans suite.