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Suicides au lycée : à Montgeron, les élèves réclament un psychologue après plusieurs drames

by Jamesbcn
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« On était plusieurs centaines à ses funérailles et pourtant, elle n’a pas osé se confier à l’un d’entre nous. Elle a caché ça a tout le monde et du jour au lendemain… » Sarah (le prénom a été changé) peine à finir sa phrase. Le silence laisse en suspens ces mots qui sont si durs à dire. « Du jour au lendemain… elle n’était plus là », finit-elle par lâcher.

Cela va bientôt faire un an que son amie s’est suicidée. La douleur est encore vive. Sarah a 16 ans et est en première au lycée Rosa-Parksà Montgeron (Essonne). L’an dernier, l’établissement a perdu deux élèves qui « n’ont pas trouvé d’autres solutions » que le suicide. « Car c’est un non-choix à cet âge », souligne Thierry Grignon, père de Cloé, qui s’est donné la mort au sein d’un autre lycée en Seine-et-Marne, en février 2022.

Laura, lycéenne engagée de Montgeron, a décidé de donner l’alerte. Et d’étaler dans la rue le mal-être de cette jeunesse. Ce samedi, elle organise une marche pour avoir un psychologue dans son lycée, et « plus de moyens face à l’augmentation des comportements suicidaires ». Pas seulement dans son établissement, d’ailleurs. Quand il y a un drame, des cellules d’écoute sont mises en place, mais Laura veut un accompagnement sur le « long terme ».

Une jeunesse qui se sent « abandonnée »

Parler, pas forcément sur l’instant, mais quand on en ressent le besoin. Oui, la jeunesse est en souffrance. Elle le dit, elle le crie, mais se sent « abandonnée », ne sait pas vers qui se tourner, personne ne l’entend vraiment. Pourtant, depuis début 2021, il y a « une augmentation des passages aux urgences pour geste suicidaire, idées suicidaires et troubles de l’humeur chez les enfants de 11-17 ans, selon Santé publique France. Fin 2021 et début janvier 2022, les passages pour idées et gestes suicidaires restent à des niveaux nettement supérieurs. »

Des idées noires, Laura en a déjà eues : « Ma mère m’a retenue. » Sarah aussi a voulu en finir. Plusieurs fois. Des appels au secours. « La douleur psychologique, ça peut tellement faire du mal qu’on est prêt à tout pour l’arrêter », poursuit Lucie (le prénom a été changé)jamais passée à l’acte mais qui souffre de « phases de mini-dépression ». « L’idée c’est d’arrêter de souffrir, pas de mourir », explique Thierry Grignon.

Il faut « avoir quelqu’un à qui s’adresser », souligne Gabriel, un autre lycéen de Rosa-Parks. Se tourner vers les parents n’est pas forcément un réflexe, surtout à cet âge. Les situations familiales peuvent être compliquées. S’ouvrir à un ami, « ce n’est pas facile ». La peur du « jugement », « on ne veut pas l’embêter »…

Et puis « lui aussi il a ses problèmes, si on peut éviter de lui coller une autre charge mentale ». Gabriel en a « parlé un peu » avec l’infirmière scolaire, un jour où il avait « vomi avant d’aller en cours. Mais j’avais peur qu’elle en parle à mes parents ». Alors il a édulcoré un peu la réalité.

Cette courte écoute l’a pourtant « libéré ». Un peu. Un psychologue au sein du lycée serait une bonne idée, pour beaucoup. « Pas de trajets », « pas de coût », « pas besoin de l’accord des parents ». Même pour les élèves qui n’en ressentent pas le besoin. « Ça peut aider à parler. » Dans une période où l’on se cherche, où l’on a « beaucoup de changements », « la pression » : le Bac, Parcoursuples parents, le permis, les amis, les réseaux sociaux qui collent aux basques et ne filtrent rien, l’avenir incertain, le changement climatique, l’inflation, la réforme des retraites, la guerre en Ukraine, le Covid qui a laissé des traces…

« Nos élèves ne vont pas bien »

« Nos élèves ne vont pas bien, martèle Sophie Venetitay, secrétaire générale du Snes-FSU, et professeure au sein de l’établissement essonnien. Il y a un vrai sujet sur la santé mentale des élèves à Rosa-Parks, mais ailleurs aussi. On a déjà alerté le ministère, mais rien n’est fait. »

« Il y a des choix en termes de politique publique », souffle le père de Cloé, qui estime qu’ « il n’y a pas d’actions mises en place à la hauteur » de ce désespoir. Pas assez d’infirmières scolaires, très peu de psychologues qui officient dans des CIO où ils sont référents de plusieurs lycées. « Ils se sentent eux-mêmes empêchés », assure Sophie Venetitay.

« L’école n’est pas un lieu de soins, rappelle le rectorat. Mais elle a parmi ses missions de privilégier l’épanouissement et le bien-être des élèves. L’académie de Versailles et la direction départementale de l’Essonne sont mobilisées pour assurer le recrutement des professionnels nécessaires afin de répondre aux besoins d’écoute et d’accompagnement exprimés par les élèves. Dans une approche de co-éducation, les parents doivent aussi être attentifs au mal-être de leur enfant. La médecine de ville est en relais, et le dispositif « Mon parcours psy » (mis en place en avril 2022) permet aux jeunes de bénéficier de dix séances de psychothérapie prises en charge par l’assurance maladie ». Tout en précisant que l’accès à ces soins fait « face à des difficultés dans le département ».

« Ce n’est pas en cachant les choses, qu’on va régler les problèmes », assène Thierry Grignon, encore meurtri par le geste de la proviseure qui a enlevé la gerbe déposée devant l’ancien lycée de sa fille un an après sa mort, pour « protéger les élèves ». « C’est tabou. L’Éducation nationale pense que le fait d’en parler va inciter les jeunes à avoir ces idées-là. »

Au contraire. La perte de ses amis a « donné une leçon de vie » à Sarah. « Je me suis dit que le suicide, c’était de la merde, et qu’ils avaient beaucoup de choses à faire devant eux. » Laura poursuit : « Il pourrait y avoir de la prévention. Aller voir un psychologue, ce n’est pas être fou, extérioriser ses émotions, c’est même une intelligence. »

« Peut-être que ce jour-là, au lieu d’aller dans le lycée et se pendre dans les toilettes, Cloé aurait été voir cette personne, lâche son père. Elle aurait peut-être pu créer un lien. »

Rassemblement à partir de 14h30, départ devant la pizzeria Mona-Lisa, à Yerres, pour rejoindre ensuite le lycée Rosa-Parks.

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